Notre collaborateur Thibault Gommette est allé à la découverte de ce nouvel espace naturel ouvert au public à Massy.
Massy, pour moi, c'était jusqu'ici une gare, et des immeubles s'ajoutant à des immeubles… C'est dire que ma surprise a été grande, et ma curiosité fortement éveillée, en découvrant qu'une enclave naturelle de taille conséquente existait encore dans cette commune. De plus, l'amateur de patrimoine que je suis a senti l'envie d'"y aller" décuplée quand j'ai appris que le dit espace correspondait au parc d'un château, ce dernier de plus toujours existant… Un château à Massy? Voilà qui renversait mes idées reçues!
D'ABORD TROUVER L'ENTREE…
Premier problème: trouver l'entrée du parc, qui ne figure à ce jour sur aucun plan. Une fois que vous avez repéré assez vraisemblablement le mur de clôture de ce qui semble être un parc de château, vous vous dites qu'en le suivant en voiture, vous finirez bien par trouver la dite entrée: que nenni! Au bout de deux ou trois passages et repassages en voiture le long du mur de clôture, vous vous décidez à trouver une place pour vous garer dans une rue adjacente, pour continuer votre recherche à pied.
L'entrée principale, au nord est du parc.
Coup de chance! Vous vous êtes par hasard garé tout près de l'entrée ouest, proche du carrefour entre la voie de la vallée de la Bièvre, qui longe le parc, et une petite route menant vers Amblainvilliers. Ce n'est que plus tard, en remontant, dans le parc , le long de la Bièvre, que vous trouverez ce qui semble être l'entrée principale. Vous découvrirez alors également que le parc a une adresse: il se situe sur le chemin des Princes, qui longe son mur de clôture…
Mais revenons à l'entrée proche du carrefour d'Amblainvilliers. Première découverte en entrant: sur votre gauche coule un cours d'eau de taille modeste: il s'agit de la Bièvre, à l'air libre à Massy, qui entre dans le parc. Mais avançons dans l'allée , parallèle à la Bièvre, qui s'offre au promeneur…
Une allée, parallèle à la Bièvre, s'offre au promeneur.
AU LOIN, LE CHATEAU DU XIXe siècle:
Très vite, le regard cherche le fameux château : on n'a pas longtemps à attendre: on l'aperçoit vite sur la droite, au loin, hélas très loin, car enfermé, au milieu de beaux arbres, dans une zone clôturée par une sorte de grillage . En fait, on le distingue à peine, et c'est assez décevant, ce château du XIXe siècle, conçu par Jérôme Bonaparte, qui a acquis le domaine en 1852: il a fait agrandir une maison bourgeoise édifiée par le propriétaire précédent, lequel avait détruit le château antérieur du XVIIIe s... Jérôme Bonaparte a fait aussi agrandir les communs, construire des écuries, et fait creuser deux
Le château de Vilgénis...on l'aperçoit à peine…
étangs. En fait, l'ancien domaine du château de Vilgenis a été de plus en plus morcelé avec le temps. Depuis les années 50, château et parc appartenaient à Air France, qui y avait installé un centre de formation pour son personnel technique. Une partie du domaine avait déjà été prélevée pour la construction du lycée polyvalent de Vilgénis. En 2010, Air France quitte le site, qui compte 65 hectares, mise à part une zone de 8 hectares, à l'ouest, consacrée à son centre de formation des
En suivant un chemin sur la droite, on l'approche un peu (photo prise à travers le grillage).
métiers de l'aérien. Le château et la partie du parc qui l'entoure (soit 13 hectares) sont vendus à une société privée, la Safran, qui en a fait une centre de formation et de conférences. Une autre portion, située au sud est, est devenue une ZAC et est vouée à la construction prochaine de 1000 nouveaux logements… L'espace naturel nouvellement ouvert au public n'est donc que la frange Nord ouest, d'une superficie de 18 hectares, de l'ancien parc du château , acquise par la mairie de Massy.
UNE ZONE HUMIDE A LA PLACE DES ETANGS.
S'il poursuit son chemin vers le nord est, une autre surprise attend le promeneur: les étangs creusés sur l'ordre de Jérôme Bonaparte, notamment celui qui avait la forme d'un bicorne, une île bien placée en constituant la cocarde, ont disparu. Une pancarte nous apprend qu'ils ont été vidés. Le syndicat intercommunal pour l'assainissement de la vallée de la Bièvre (SIAVB), qui gère le site à la demande de la mairie de Massy, a privilégié la formation d'une zone humide, propice au développement de la biodiversité, où serpente maintenant le cours de la Bièvre qui alimentait les étangs. L'amoureux des grands parcs d'Ile de France sera inévitablement déçu par la disparition de ces étangs "historiques",
Une vaste zone humide, où serpente le cours de la Bièvre, a remplacé les étangs.
tout en reconnaissant que la dite zone humide est bien belle, avec sa végétation de roseaux et autres plantes déjà bien développée. Vouloir développer la biodiversité est certes une belle cause, mais un étang n'est-il pas aussi un milieu qui y est favorable? Au bout de cette première zone humide, on découvre un appareillage peu décoratif et d'une dimension surprenante dont le rôle semble avoir été de réguler le niveau d'eau de l'étang: sa présence dans un tel parc surprend. Peut-être était il moins
Un appareillage assez disgracieux dont la dimension étonne.
apparent autrefois? Avançons un peu, et une seconde zone humide, très vaste, correspondant au deuxième étang disparu, s'étend jusqu'à un autre appareillage semblable situé à proximité de l'entrée principale du parc. C'est à cette entrée que divers panneaux expliquent aux promeneurs l'histoire du parc, mais aussi les intentions du SIAVB concernant cette partie du domaine: en faire "un espace naturel avec des zones humides, des secteurs de nidification, des refuges pour mammifères". Voici
Gros plan sur la végétation fournie de la zone humide.
qui est alléchant, surtout quand est mentionnée la possibilité "de croiser des chevreuils au détour d'un chemin". Un autre panneau nous confirme la présence d'une dizaine de chevreuils sur le site, d'écureuils roux, de 30 espèces d'oiseaux, de 28 espèces d'insectes dont le lucane cerf volant et quelques variétés rares, et de nombreuses espèces de plantes. Pas de chance, aujourd'hui, le promeneur n'aura guère aperçu qu'une foulque macroule et deux canards évoluant sur la Bièvre. Pour assurer la tranquillité de la faune et favoriser son implantation, des "zones refuges" sont prévues dans le parc, interdites au public. C'est peut-être aussi pour ça qu'on ne la voit pas…!
la Bièvre vue de la 2e écluse: on y aperçoit une foulque macroule et un canard.
LE PARC HISTORIQUE N'EST PAS OUBLIE:
Alors passé à la trappe le parc de château d'autrefois? Pas tout à fait apparemment, puisqu'est exprimée sur les panneaux une volonté de restaurer le parc dans son aspect premier : dans telle zone, aujourd'hui largement envahie par les arbres et la végétation, on recréera les prairies d'antan; un travail de régénération des zones boisées sera parallèlement effectué, avec toujours, bien sûr, le souci de favoriser la biodiversité. Eh bien voilà qui remontera le moral des amoureux du patrimoine!
Dans cette zone, la prairie d'autrefois sera intégralement reconstituée.
Autre bonne nouvelle: on croit comprendre que "la grille des princes" en fer forgé, qui donnait autrefois accès au site, va être restaurée. Ses montants en pierre ont été fortement dégradés par les gravures intempestives de promeneurs indélicats. De plus, les allées de marronniers, de tilleuls et de pins semblent devoir être conservées et entretenues...
La grille des princes sera mise en valeur…
Des dégradations regrettables…
Prenons à présent un chemin qui nous amène à l'angle nord est du parc: et là , bonne surprise , on découvre un joli étang, à la limite de la partie du domaine gérée par la Safran. Il en reste donc un! Et cerise sur le gâteau, un héron guettant une possible proie nous fait le cadeau de sa hiératique présence! Juste une note dissonante : une clôture très laide , qui enferme la partie "Safran", offense le regard à droite de l'étang. Enfin! Le tour du parc est maintenant achevé, il faut prendre le chemin du retour… Au passage, on découvre dans une clairière une hutte de branchages qui semble fasciner les promeneurs. Et tiens, un joli papillon! Un vanesse vulcain! On n'en voit plus beaucoup comme ceux là dans la région. Signe que la biodiversité regagne du terrain dans le site? Une dernière note positive!
Un chemin qui nous amène dans l'angle nord est du parc...
Un joli étang subsiste!
Un héron guettant une possible proie nous fait le cadeau de sa présence...
Une hutte de branchages qui semble fasciner les promeneurs.
Tiens, un joli papillon, un vanesse vulcain, comme on n'en voit plus beaucoup !
Conclusion: les 18 hectares de ce qui reste du parc de Vilgenis (partie accessible au public) constituent une superficie assez vaste pour que le promeneur y trouve le plaisir , déjà, de marcher dans la Nature - ou d'y courir! L'amateur de patrimoine y est d'un côté heurté par certains choix qui ont été faits, par le compartimentage de l'ancien domaine, par les clôturages désagréables que cela entraîne, et surtout par l'impossibilité de voir vraiment le château; il est un peu rassuré de l'autre par la volonté affichée de la SIAVB de restaurer le parc d'autrefois et de valoriser certains vestiges. L'amoureux de la Nature peut se réjouir de voir celle-ci favorisée et valorisée, et surmontera sa déception d'avoir vu dans ce parc très peu d'oiseaux. Des impressions en demi-teintes, donc! T.G.
FIN.
PS: un habitant de Verrières nous précise que pour avoir une chance de voir les chevreuils, il faut y aller le matin très tôt…
LE PLAN DU SITE:
Le parc et ses différentes "zones" (Cliquer sur l'image pour l'agrandir).
EN SAVOIR PLUS SUR L'HISTOIRE DU DOMAINE DE VILGENIS:
.Une villa gallo-romaine, "la villa Johannis", existait sur le site.
XIIe siècle: la villa Johannis devient le fief du 3e fils du seigneur de Macy.
. 1216: un ferme fortifiée y est implantée.
.1502: construction d'un premier château par Jacques Foucaud, seigneur de Villegénis et Villemoisson.
.1748: Elisabeth Alexandrine de Bourbon-Condé fait reconstruire la demeure pour en faire un des plus beaux châteaux d'Ile de France.
. A la Révolution, il est pillé. En 1795,il devient une filature de textile.
.1823: Charles Delorme, avocat au Parlement, fait détruire le château et le remplace par une "maison bourgeoise".
.1860: Jérôme Bonaparte, nouveau propriétaire, agrandit la demeure et les communs, fait construire les écuries et fait creuser les étangs.
.1946: l'état rachète le domaine à la dernière famille propriétaire, les Corey, au profit d'Air France.
.2010: Air France quitte le site, à l'exception de 8 hectares; le château et son entourage sont vendus à la société Safran; une autre partie, la plus importante, est transformée en Zac pour y construire 1000 logements; la partie nord , de 18 hectares, est acquise par la mairie qui en confie la gestion à la SIAVB: celle-ci projette d'en faire un espace naturel voué à la biodiversité.
2018: ouverture au public de cet espace naturel sous le vocable "parc de Vilgénis".
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UN COMMENTAIRE RECU PAR MAIL:
RépondreSupprimerJe suis ravie d'apprendre que le parc de Vilgénis est ouvert au public, car j'ai réalisé les inventaires floristiques pour le SIAVB il y a 2 ans et j'ai trouvé ce site très intéressant, avec une mosaïque d'habitats qui ne peut qu'être favorable à la biodiversité.
J'irai certainement voir quand je pourrai mais si vous avez des photos des panneaux d'explication, cela m'intéresse car c'était une de nos préconisations.
Vous semblez regretter que les étangs ne soient plus en eau, mais les zones humides ont aussi un rôle de tampon pour absorber les crues et le SIAVB a de ce point de vue remarquablement géré les inondations de 2016. De plus, un étang peut avoir de l'intérêt seulement si la ceinture d'hélophytes est présente, toutefois, la zone humide du grand étang comporte en plus des roselières hautes et basses et des cariçaies une végétation des vases exondées devenue rare à cause de l'artificialisation de beaucoup de rivières (sur les berges de la Loire on trouve encore ce type végétation). Donc en effet, je vous le confirme, le choix fait par le SIAVB est beaucoup plus favorable à la biodiversité qu'un étang dans ce contexte. Très différemment d'ailleurs, car le cortège d'insectes associé à ces milieux n'est pas le même que sur un étang, il est plus diversifié. Et quant à l'avifaune, je crois qu'il s'agissait plus du cortège forestier (pic épeichette notamment) que du cortège des plans d'eau, à part un héron je ne me souviens pas d'avoir vu grand chose - c'est mon collègue cependant qui a fait cette partie puisque je suis botaniste en premier lieu.
Sabine Beutin.
Merci de cet avis d'expert, Sabine. Mais je garde une petite nostalgie tout de même des étangs d'antan...
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