correspondant agoravox

jeudi 17 septembre 2015

A la recherche de Raoul JAME, un héros de la grande guerre parmi tant d’autres, par Valérie LORIOT.

Une boîte en fer retrouvée par hasard... et voici déclenchée une recherche fervente sur les traces d'un grand oncle mort "glorieusement" à la guerre, comme le dit son livret militaire. Un témoignage sensible et touchant dont nous remercions Valérie Loriot.

Une boîte en fer retrouvée par hasard...
Tout a commencé avec une boîte en fer retrouvée « par hasard » en mai 2014. Cette boîte, je le savais, appartenait à mon père Georges LORIOT décédé en 1999, jamais ouverte depuis lors. Je trouve une enveloppe où mon père avait noté « Souvenirs de ma mère lettres et photos ». C’est alors que commence l’histoire de mon grand-oncle Raoul JAME, mort pour la France le 25 septembre 1915, mais tout cela je ne le sais pas encore…
Une photo de lui en militaire, deux lettres et une petite pensée (fleur), et puis deux enveloppes avec le nom de Raoul JAME, rayé, barré, tamponné : « Retour à l’envoyeur le destinataire n’a pu être atteint ». Je me souvenais que mon père m’avait dit à deux ou trois reprises : « tu sais ma mère avait perdu un jeune frère à la guerre… ». Ce vague souvenir revenait très clairement à présent dans mon esprit. Serait ce donc lui ce jeune frère : Raoul JAME ? Mais qui est-il ? Où et quand était-il né ? Comment et où est-il mort ? Les questions se bousculent dans ma tête et je n’ai plus qu’une obsession : retrouver ce grand-oncle.

 
Raoul Jame en tenue militaire.
À la recherche de Raoul JAME.
Je commence donc à lire et relire les lettres de Raoul JAME. Une première lettre est datée du 31 octobre 1914, il écrit à son père Gustave JAME. Je comprends que Raoul est téléphoniste, il raconte comment il va assurer, réparer, établir les lignes téléphoniques pour reprendre aux Allemands le hameau de Melzicourt. Dans des circonstances bien dangereuses et sous les feux de mitrailles, il part courageusement installer et réparer les lignes téléphoniques à plusieurs reprises. Il se fait donc remarquer par cette bravoure héroïque et est fier d’annoncer à son père sa nomination de Caporal. La seconde lettre est datée du 01 septembre 1915, il écrit à sa sœur Eugénie JAME. Raoul explique qu’il n’a pu finalement partir en permission et que «  le grand coup arrive » et qu’il ne sait pas s’il pourra continuer à donner des nouvelles, si les lettres arriveront et surtout de prévoir « le drame de casse » car « il faut tout prévoir ici bas et surtout ici… ».

 
                                                    1er septembre: "le grand coup arrive"...
Je regarde sa photo en militaire (prise probablement pendant son service) et sa petite pensée où est écrit : « Toute ma… Bois d’Hauzy… 1914 1915… Raoul JAME… 1er mai… 23e Colonial… Section des Téléphones… » Bois d’Hauzy ? Où se trouve le Bois d’Hauzy ? Je regarde sur internet et trouve un témoignage de soldat qui parle d’une offensive faite le 25 septembre 1915 où la troupe sortait au petit matin du Bois d’Hauzy. (Il s’agit du premier jour de la grande offensive pour prendre la Main de Massiges qui durera jusqu’au 06 octobre 1915 entrainant la perte de 15000 hommes...) Reprenant les enveloppes adressées à Raoul et revenues « le destinataire n’a pu être atteint » oblitérées du 27 septembre et 04 octobre 1915, je fais immédiatement le rapprochement, Raoul est mort probablement

 
Une pensée de Raoul à ses proches, confectionnée avec une écorce au bois d'Hauzy.
 
lors de cette offensive du 25 septembre 1915. Tout se bouscule dans ma tête, qu’est-il devenu ? Je tape nerveusement sur Google « retrouver un parent mort pour la France » qui m’indique le site Mémoire des Hommes et son fichier des hommes morts pour la France 1914-1918. Haletante je tape fébrilement Raoul JAME rien ne ressort, je tape juste JAME, une liste s’affiche et je vois Jacques Raoul Hippolyte JAME, je clique sur cette fiche et découvre avec stupéfaction Jacques Raoul Hippolyte JAME né le 1er mai 1884 à Versailles. Mort pour la France le 25 septembre 1915 à Massiges (Marne), tué à l’ennemi. Une découverte pour moi exceptionnelle, mon intuition était bonne, Raoul est bien mort le 25 septembre 1915, à l’âge de 31 ans… Il fallait maintenant en savoir plus et grâce au numéro de matricule, je retrouve son carnet militaire dans les archives de Versailles numérisées en ligne… Quel choc lorsque je suis tombée sur sa fiche matricule. Je découvre sa profession : électricien et fais le lien avec son travail de téléphoniste à la guerre. Raoul mesure 1M63, il a les cheveux et sourcils bruns, les yeux gris… Sur sa fiche militaire est noté « tombé

 
                                                                     Retour à l'envoyeur...

glorieusement alors qu’il installait la liaison téléphonique derrière la 1ère vague d’assaut. » et aussi « inhumé au cimetière de Virginy, propriété Varoquier ». Tout se bouscule dans ma tête, toutes ces informations retrouvées si rapidement grâce à internet… Mais il faut que je sache s' il est bien enterré là-bas et aller dès que possible sur sa tombe. Je prends donc contacte avec l’association de la Main de Massiges et son Président M Eric MARCHAL. Il me précise que le cimetière de Virginy n’existe plus et que sa tombe n’est pas répertoriée dans la nécropole nationale Le Pont du Marson à Minaucourt. Mais où est donc le soldat Raoul JAME ? Cette idée m’obsède. Ma famille étant enterrée à Vaucresson, je contacte la mairie et là stupéfaction Raoul est enterré avec sa sœur sans aucune inscription… Même mon père n’a jamais su… Le choc est intense. 
A Massiges.
Quel chemin parcouru… Nous sommes en septembre et je décide de partir à Massiges dans la Marne fin octobre pour aller sur les traces de Raoul JAME… Je suis accueillie le 31 octobre par Monsieur le Maire Pierre LABAT qui me fait visiter le site car l’association de la Main de Massiges a reconstitué en partie les tranchées, les abris, retrouvé des armes, des obus, des outils, des objets personnels de nos chers poilus et même des corps… Je pense au soldat Albert DADURE (23e Régiment d’Infanterie Coloniale) qui trouvera enfin une sépulture et un hommage le 7 septembre 2014, honoré 99 ans après  être mort pour la France grâce au petit bracelet qui permettra de l’identifier.
Nous croisons le président de l’association M Eric MARCHAL et tous les trois nous nous asseyons dans un abri reconstitué et je commence à lire les lettres de Raoul, M Marchal prendra le relais car l’émotion est trop forte… Enfin il prend la petite pensée (fleur) réalisée par Raoul, ému il me précise que cette pensée est réalisée avec l’écorce d’un arbre (un arbre du bois d’Hauzy…)
Je reviens de ce séjour particulièrement troublée…

Pèlerinage.
 
Adhérente aujourd’hui de l’association, je reste en lien avec l’équipe. Le 25 juillet de cette année l’association a organisé une randonnée historique permettant de parcourir en partie la Main de Massiges et de s’intéresser à tous les points stratégiques de son histoire et surtout à l’histoire de ces hommes… Je me devais d’être là comme un pèlerinage.

 
Sur les traces  des soldats disparus...
 
Lors de cette randonnée, nous étions nombreux à être sur les traces d’un grand-oncle, d’un grand-père, d’un ami… ou juste là pour rendre hommage à ces hommes… Grâce à eux, nous avons pu nous rencontrer comme des camarades, échanger, partager, fraterniser…
Merci à tous ces hommes d’être le fruit de notre rencontre, merci à nos familles d’avoir conservé les traces de leur histoire, merci à l’association de la Main de Massiges de continuer à la faire vivre, merci à M Jean-Maurice SATTONNAY de me permettre ce témoignage et de vous livrer ces quelques photos…

Valérie Loriot

                                          DOCUMENTS: le site de la Main de Massiges.

                                             (cliquer sur les images pour les agrandir)
 

 




 
Eléments du champ de bataille reconstitués par l'association.


 
Hommages.
 
Retrouvez l’histoire de la Main et de ses hommes en ligne sur le site de la main de Massiges grâce au travail minutieux de Marie Sol Monino, bénévole de l’association.
Autres sites :
reportage : 14-18 : La Main de Massiges (Marne)- France 3

1 commentaire:

  1. Merci de ce témoignage, nous ne devons rien oublier de notre histoire.
    Catherine Bosc-Bierne.

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