Un vrai succès , comme l'atteste le témoignage de Christian Coullaud , grand passionné d'autobus devant l'Eternel *, qui a été sollicité par l'association www.autobusdeparis.com pour conduire deux de ces bus...
"N’en doutons plus, nos anciens véhicules de transport en commun font bien partie du patrimoine parisien, à en juger par les foules qui s’y sont engouffrées en masse lors des journées du même nom. Des seniors, certes, mais surtout des adultes, des jeunes et des enfants qui n’ont cessé de s’émerveiller en découvrant, « pour de vrai », ces engins mythiques à plate-forme vus dans tous les livres sur la capitale...
Un retour aux années 30 ...
Le thème retenu était : « les autobus des années 30 », celles de l’Exposition coloniale de 1931 et de l’Exposition universelle de 1937. Paris avait voulu, à cette occasion, offrir à ses hôtes, français ou étrangers, ce qui se faisait de mieux pour les transporter et mettre ainsi en valeur tous les charmes de la Ville-Lumière. A cette époque, les roues sur pneumatiques étaient une nouveauté toute récente et l’intérieur des bus fleurait bon le cuir et le bois verni.
"Ces intérieurs de bus qui fleuraient bon le cuir et le bois verni"...
Les plus férus de vieilles mécaniques demandaient à monter en cabine – et « monter » dans un "TN" n’est pas un vain mot – ce qui m’a permis, tout en conduisant un magnifique Renault TN4H de 1937 sur un circuit de 5 km environ, de rencontrer des passionnés qui, le plus souvent, n’avaient pas connu ces TN en service. La joie des passagers était évidente et malgré le nombre de bus invités à la fête, une vingtaine environ, la place commençait à manquer le second jour, le bouche à oreille ayant fait son effet. Des millions de photos et de vidéos ont été prises au cours de ces deux jours et on peut évaluer à 10 000 le nombre de passagers transportés sur quelque 1 400 km. On n’évoquera que pour mémoire les 50 litres de SP 98 consommés aux 100 km afin de ne pas ternir la joie de la fête. La RATP, qui avait organisé l’événement, a été généreuse.
Des œuvres d'art ... mais attention au freinage!
Certains bus étaient des œuvres d’art, parfois à l’état neuf. A côté du TN4H (n°4034) récemment arrivé dans la collection, j’ai pu conduire également le TN6 C2 (n°2836) de 1934, un vrai bijou. La position de conduite style « cocher de fiacre » est finalement un bon poste d’observation qui permet d’anticiper les obstacles : le freinage, bien qu’assisté mécaniquement, est médiocre et presque nul à l’approche de l’arrêt complet qui s’effectue…au frein à main. Mais quand on aime…"
Christian Coullaud , un passionné d'autobus ...
L'association Autobusdeparis organise des balades en groupe. Il y en a une dans Paris le 17 novembre prochain. Voir le site: www.autobusdeparis.fr
* JOURNEES DU PATRIMOINE 2014 : des balades en bus les 20 et 21 septembre.
Comme chaque année, à l’occasion des JEP des 20 et 21 septembre 2014, la RATP a offert (gratuitement) des circuits en bus anciens dans Paris, au départ de la Gare de Lyon. Certains d’entre ont profité d'une balade, comme « au bon vieux temps ». Les plus jeunes ont découvert les charmes de la plate-forme ouverte que leurs aînés, sportifs en leur temps, prenaient d’assaut pour monter en marche.
Ces autobus à plate-forme, construits de 1931 à 1938, ont cessé de circuler entre 1959 et le 21 janvier 1971.
Nous ne céderons pas à
la tentation des adjectifs dithyrambiques pour relater la grand-messe
annuelle des transports parisiens. L’enthousiasme des participants
- public, organisateurs, conducteurs et receveurs de bus- se confirme
d’année en année et les dernières heures de ce dimanche ont
connu un afflux de curieux et de nostalgiques, malgré la chaleur
orageuse et les encombrements… qui ont contribué à faire durer le
plaisir.
On pourra toujours gloser
sur les quelque 2500 litres de supercarburant partis en fumée
toxique, cette opération anti-écologique est assurément compensée
par une thérapie bienfaisante pour les moins jeunes, un support
pédagogique irremplaçable pour tous.

Affluence aux stations de bus.
Dans la caisse des
voitures, sur la plate-forme, les langues allaient bon train. Les
plus futés s’étaient invités dans le poste de conduite, si l’on
ose cette appellation pour une « salle des machines » où
le « cocher », perché à plus de deux mètres
d’altitude, a fort à faire pour maîtriser les rênes de ses 58 ou
67 chevaux déchaînés. Encore pouvait-on choisir la cabine ouverte
aux quatre vents qui eut cours jusqu’en 1950, ou celle dite
« vestibulée », un avant-goût de la fournaise de
l’enfer.
Mille questions fusaient
dont la réponse était souvent donnée par la simple observation.
Nos vieux bus TN, 4 ou 6 cylindres, n’ont rien à cacher. Beaucoup
de moins de 30 ans n’ont jamais vu un moteur, ils en avaient un à
la hauteur des yeux ! Le timbre de la sonnette, véritable
« madeleine de Proust » donne le signal du départ du
bus- dans le craquement des vitesses et les plaintes de la
transmission- et surtout celui des confidences du jeune temps que
l’on dit insouciant : bonnes farces avec les copains, montées
et descentes de plate-forme acrobatiques, premiers émois sur le
chemin du lycée… et tout cela en présence des enfants et
petits-enfants car on est venu en famille. « L’intergénérationnel »
dont on nous vante toutes les richesses a trouvé dans nos vieux bus
un catalyseur bien concret.

Remontée dans le temps.
A côté des familles, la
masse compacte des passionnés : le spécialiste du bouton de
vitre, du commutateur électrique- de forme octogonale chez Renault,
comme chacun le sait- de l’ampoule d’éclairage, des publicités
peintes, de la plaque émaillée, des itinéraires de bus des
origines à nos jours, des divers numéros minéralogiques, tout ce
petit monde parfois agaçant et toujours touchant a pu trouver son
compte et l’oreille d’un « bon docteur » pour
recueillir l’effusion de son bonheur ou parfois le cri d’une
détresse refoulée.
N’oublions pas les
accros de la mécanique et de la conduite ainsi que les puits de
science sur l’histoire de tout ce qui roule, qui plane et qui
flotte. La place du passager s’ouvrait sur Paris vu d’en haut
mais le spectacle était plutôt dans la manœuvre commandant le
passage des vitesses non synchronisées. Un formateur de conduite des
véhicules lourds s’est amusé de cette pratique d’un autre
temps : on ne parle plus aux élèves de double débrayage
depuis longtemps et les permis professionnels passés sur véhicule
automatique sont valables sans restriction. Il faut « vivre
avec son temps », certes, mais tout en gardant en mémoire les
images, les gestes et pratiques qui avaient cours naguère encore.
"Ils avaient un moteur à la hauteur des yeux..."
Cela semble en bonne voie et nous réjouit après une période sombre où le patrimoine industriel n’était qu’une vieille ferraille à éliminer pour mettre en valeur le produit nouveau, « moderne » façonné par le marketing..
Les baby-boomers ne sont
pas les seuls à s’émouvoir d’une certaine résurrection de ce
patrimoine grâce, notamment, à ces JEP. Certains jeunes rêvent
d’apporter leur concours à la résurrection matérielle de tels
engins, points de repère de notre histoire sociale car les objets
matériels ont une vie commune avec ceux qui les utilisent. Et pas
seulement matérielle : T, étudiant à l’Ecole des Chartes,
passionné de transports – et bien sûr d’histoire- souhaite
s’attacher plus particulièrement à la conservation et à la
promotion de tout ce qui a trait au patrimoine industriel. Nous l’y
encourageons vivement.
Nos efforts pour sauver
ces monuments du passé n’auront pas été vains. Continuons à
faire connaître et à transmettre ce qui nous passionne.
PHOTO: Christian et son bus aux JEP 2014 .
Christian Coullaud 22/09/14 .
La réaction d'une lectrice:
RépondreSupprimerJe me souviens particulièrement du “paradis” de ces bus : la plateforme ! Voyager dans Paris le nez au vent ... J’ai encore dans l’oreille le son de la tirette que le receveur arrachait à toute volée pour prévenir le conducteur que le bus pouvait redémarrer, et celui de l’appareil qu’il portait à la ceinture pour imprimer le titre de transport par un tour de manivelle, lequel titre était un ticket étroit qu’il détachait d’un rouleau avant de le glisser dans la machine, un par section. Ainsi que la “protection” qui fermait la plateforme, à savoir une chaîne entourée d’un cuir très patiné par les manipulations, dont il insérait le crochet dans l’anneau fixé à la cloison. Souvenir, souvenir...
Annie
Une réaction de Christian Coullaud:
RépondreSupprimerMerci Annie,
Votre réaction nous montre que la charge émotionnelle générée par l’évocation de ces vieux bus n’est pas une vue de l’esprit. La plate-forme ouverte, espace de liberté pour la jeunesse qui pouvait s’exprimer bruyamment sur le chemin du lycée, la sonnette au timbre clair, le ronronnement de l’appareil oblitérateur appelé « moulinette » dans le jargon RATP, tout y est ! Avec en prime la chaîne de sécurité et son cuir patiné, quand je parlais de le « petite madeleine » !!!
Vous rappelez-vous la couleur de ces petits tickets vendus en carnets de 20 (1 ticket par section) ou à l’unité (comme vous le signalez) mais 50% plus chers ? En confidence, je vous dis qu’ils étaient bleus en 1956 et que le carnet valait en ce temps 200 f. Ils changeaient bien sûr de couleur à chaque augmentation des tarifs. Ne le répétez pas, on pourrait en déduire mon âge.
Une réponse d'Annie:
RépondreSupprimerPour aller au Lycée, j’ai emprunté le métro ou le bus. C’est ainsi que j’ai bien connu la plateforme...
J’avoue ne plus du tout me souvenir de l’aspect des carnets de tickets. Etaient-ils identiques à ceux vendus dans le bus ? En 6è je voyageais avec mon père. Il est probable qu’il ait assuré la fourniture.
Mais les tickets à l’unité, en 59, 1 cm sur 5, étaient blancs avec une impression bleu clair sur une face, et je crois bien que la “moulinette” imprimait en violet ? Peut-être y avait-il des tickets demi-tarif blancs avec une impression mauve, mais je n’en suis pas certaine ?
Toutefois c’est bien exact que ces derniers bus à plateforme, remplacés peu à peu par les bus plus ronds à porte centrale pneumatique sont un point d’ancrage affectif d’enfance de nos mémoires de “vieux”, comme le poinçonneur du ticket de métro, les pots familiaux en verre des yaourts Danone, les cocos Bauer, les Mistral, les roudoudous, les Carambar, les Malabar, le goût de la petite bouteille brune de lait homogénéisé distribué en classe une fois par semaine à l’école, où l’odeur de l’encre noire que la “maîtresse” distribuait d’une bouteille à long bec métallique dans les encriers de porcelaine de nos pupitres d’écoliers... Que de petites madeleines en effet !
Bravo Christian et merci pour toutes ces précisions.
RépondreSupprimerMH.