correspondant agoravox

mercredi 26 juin 2019

A LA DECOUVERTE DE LA DATCHA D'IVAN TOURGUENIEV A BOUGIVAL.



Il faut traverser via un portillon une résidence privée située au numéro 14 de la rue Ivan Tourgueniev, à Bougival, pour atteindre, après avoir traversé la dite résidence, le domaine des Frênes, censé se situer au n°16, où se trouve le musée Tourgueniev, installé dans la datcha  que le célèbre écrivain russe s'était fait construire ici en 1870.


La datcha de Tourgueniev.

Il s'agit d' un chalet de style  mi-russe mi-suisse , qu'il a fait édifier dans la partie haute d'une propriété de huit hectares qu'il avait préalablement acquise: celle-ci comportait une maison de maître de style neo palladien, où il avait installé  des amis très chers, Louis Viardot, critique et directeur du théâtre des Italiens, et sa femme Pauline , cantatrice connue à l'époque, sœur de la Malibran (morte prématurément à 28 ans). Selon Guy de Maupassant, la liaison qui existait entre Tourgueniev et Pauline Viardot fut "la plus belle histoire d'amour du XIXe siècle". La villa Viardot, située en contrebas, très dégradée, doit faire l'objet d'une restauration. Elle fait partie des 18 sites qui doivent bénéficier du loto du Patrimoine organisé en 2018.


              La villa Viardot.( Photo: Jacqueline Mazeau). 

La cantatrice Pauline Viardot.

Tourgueniev (1818-1883)  passa l'été et l'automne dans sa datcha de 1875 à sa mort, due à un cancer de la moelle épinière.
Depuis 1978, la datcha appartient à la commune de La Celle Saint Cloud en réalité. Elle a procédé à la restauration du chalet, préalablement classé, entre 1981 et 1985, après l'avoir soustrait aux appétits d'un promoteur immobilier. Le musée, créé par M. et Mme Zviguilsky, et l'association des Amis d'Ivan Tourgueniev, Pauline Viardot et Maria Malibran, a ouvert en septembre 2015.

                                                 A LA DECOUVERTE DU MUSEE:
A travers de nombreux documents écrits ou iconographiques, la vie et l'œuvre de l'écrivain y sont évoquées, ses liens aussi avec l'élite littéraire et artistique russe et européenne de l'époque. Les concepteurs du musée se sont efforcés aussi de reconstituer l'atmosphère dans laquelle Tourgueniev vécut ici.

Passé l'accueil, installé dans l'ex office-cuisine, on pénètre dans l'ancienne salle à manger, consacrée à une exposition permanente sur " Tourgueniev et la Russie ": on y voit par exemple l'édition originale en russe des "Mémoires d'un chasseur" (1852) et sa première traduction française. Cette œuvre qui dénonce les injustices dont est victime le peuple russe fut pour beaucoup dans la décision du tsar d'abolir le servage en 1861. Tourgueniev, à la suite de sa parution, avait dans un premier temps été assigné à résidence dans la propriété maternelle de Spasskoié-Loutovinovo. Un très beau portrait de l'écrivain jeune par Pauline Viardot retient l'attention. Les grands écrivains russes du XIXe siècle, ses amis, sont évoqués également par des portraits.

Dans l'ancienne salle à manger, petite présentation du musée par le responsable de l'accueil.

La propriété maternelle de Spasskoié- Loutovinovo. Le père de l'écrivain, officier de hussard, avait épousé sa mère, riche héritière, par intérêt. La famille s'y était installée.

Portrait de Nicolas (son frère aîné), et d'Ivan enfants.

Portrait de Tourgueniev par Pauline Viardot (1858).

Buste de l'écrivain, plus tardif.

Portrait de l'écrivain âgé.

La salle suivante, ancien salon de musique évoque plutôt les amitiés littéraires et musicales  de l'écrivain en France et en Europe: Victor Hugo, Lamartine, George Sand, Mérimée, Maupassant, Flaubert, Zola, Daudet, Edmond de Goncourt pour ce qui est des écrivains furent de ses amis, de même que les musiciens Gounod, Bizet , Saint Saens ou encore Fauré. Il connaissait bien Dickens, Henry James, Heine… On peut voir dans les vitrines de nombreuses lettres échangées avec certains d'entre eux. L'attraction de cette pièce, c'est aussi le piano carré allemand de Tourgueniev, qui était à l'origine dans sa résidence de Baden Baden.

Beaucoup de documents à consulter dans les vitrines.
Photo: Guy Burgade.

Frantz Liszt fut le professeur de piano de Pauline Viardot.

La Malibran, célèbre pour sa voix mais aussi pour sa beauté.
Photo: Guy Burgade.

Des vitraux évoquent la vie russe.
Le fameux piano carré de Baden Baden, instrument rare.

On passe ensuite au premier étage , pour découvrir le cabinet d'écriture de Tourgueniev. Il y écrivait son courrier, y a rédigé ses dernières œuvres: Terres vierges par exemple, des poèmes en prose, ou la traduction en russe de La légende de Saint Julien l'Hospitalier de Flaubert. Il y recevait aussi ses amis. On peut y voir le bureau authentique de Tourgueniev, une bibliothèque monumentale Napoléon III, et une "table russe" avec samovar. Claudie, la fille de Pauline Viardot, y avait son "coin d'artiste" pour dessiner ou peindre.

Le cabinet d'écriture.

L'authentique bureau de Tourgueniev.

Ensuite on découvre la chambre: elle a été reconstituée par un professeur de l'école Boulle et ses assistants, à partir d'un dessin réalisé à l'époque par Claudie, la fille de Pauline Viardot. Elle ouvre sur une superbe terrasse qui domine le site et la vallée de la Seine.

Le lit de l'écrivain, reconstitué à partir d'un dessin de Claudie.
De la terrasse de la chambre, l'écrivain avait vue sur la villa Viardot en contrebas.

Aujourd'hui les arbres sont si élevés qu'une muraille végétale se dresse près de la maison.

La visite est finie, il est temps de redescendre à travers le parc vers la route du bord de Seine.

Dernier regard sur la villa de Pauline Viardot.

mardi 25 juin 2019

A LA DECOUVERTE D'UN LIEU MYTHIQUE : LA MAISON FOURNAISE sur l'île des Impressionnistes à Chatou.

UN LIEU A LA MODE :
Dans la 2e moitié du XIXe siècle,  la maison Fournaise, sur l'île des Impressionnistes près du pont de Chatou, était un lieu à la mode où le Tout Paris aimait se rendre à la belle saison. Gens de lettres, peintres, personnalités de la politique et de la finance s'y pressaient. Alphonse Fournaise, charpentier de bateaux, y tenait  depuis 1860 un hôtel- restaurant, aidé par sa femme, son fils Alphonse et sa fille Alphonsine, et  proposait une activité de canotage, devenue à la mode à l'époque sur la Seine. Il organisa même des fêtes nautiques fameuses. Depuis la construction en 1837 d'une ligne de chemin de fer Paris Saint Lazare Le Pecq , l'accès des parisiens  aux bords de Seine entre Croissy sur Seine et Bougival avait été facilitée . On y vient canoter , mais aussi rencontrer des femmes, y compris des demi-mondaines…

DEUX CELEBRES HABITUES:
En 1868, Auguste RENOIR, fuyant la Grenouillère de Croissy sur Seine trop "courue", découvre le site, et en deviendra un habitué. Il y peindra   une trentaine de tableaux, dont en 1880 le célèbre Déjeuner des canotiers, où il représente son cercle d'amis sur la terrasse du restaurant. Autre illustre hôte des lieux, Guy de MAUPASSANT y prend une chambre en 1873 , et reviendra canoter sur les lieux jusqu'en 1890. Il décrit l'atmosphère de la maison dans plusieurs nouvelles, dont La Femme de Paul sous le nom de "restaurant Grillon".

Maison Fournaise: le restaurant côté terrasse.

DECADENCE ET RENAISSANCE:
Vers 1900, la vogue du vélo se substitue à celle du canotage et le restaurant périclite: il sera fermé en 1905. En 1953, la maison sera divisée en appartements locatifs et se dégradera. Elle est acquise en 1979 par la ville de Chatou en vue de restauration, classée en 1982, et en 1990 le restaurant FOURNAISE rouvre, refait à neuf. Nous avons pu voir qu'il est très apprécié des Parisiens et des touristes le dimanche… En 1992, un musée consacré au souvenir de cette époque mythique est créé dans l'ancien hangar à bateaux du père Fournaise, et son fonds s'enrichit peu à peu grâce aux efforts de l'association des Amis de la maison Fournaise.

A LA DECOUVERTE DU SITE EN IMAGES :
Le site a gardé miraculeusement tout son charme. Aller à sa découverte  vous fait insensiblement remonter le temps. Vous voilà revenu à la fin du XIXe siècle.

La Seine vue du pont de Chatou, et à gauche: le hameau Fournaise.

Le hameau Fournaise est constitué de différents bâtiments, groupés autour du restaurant et du musée Fournaise.

Jusqu'en 1877, Alphonse Fournaise remanie plusieurs fois le bâtiment en y faisant des ajouts.

   C'est sur cette terrasse que Renoir a peint le déjeuner des canotiers à partir de l'été 1880.

Une autre terrasse en bord de Seine.

La maison Fournaise, côté entrée. Un charme provincial.

Autre vue.

Certains peintres de l'époque ont décoré la façade  de sujets pittoresques, dont Maurice Réalier-Dumas (auteur des grandes fresques verticales - Les originaux sont au musée). Photo: Guy Burgade.






Détail des fresques extérieures.

En bord de Seine, une reproduction du Déjeuner des canotiers rappelle que Renoir le peignit ici. Un "chemin des impressionnistes" est ainsi balisé par des reproductions de tableaux le long de la Seine.

Un peu plus loin, une reproduction  du tableau "Les canotiers à Chatou" (1881) où l'on voit un couple s'apprêtant à monter dans une yole.

Un peu plus loin, un atelier de réparation de bateaux existe encore...

… ainsi qu'un embarcadère.

Sur l'île, un autre très beau restaurant d'un style proche s'est installé.

De l'autre côté de la Seine, près du pont, se profile l'église de Chatou.

LE MUSEE FOURNAISE:
Il a été créé en 1992 en souvenir de cette époque mythique sur l'île (fin du XIXe siècle) et ses collections ont été peu à peu enrichies par l'association des Amis de la maison Fournaise . L'histoire de la maison  y est narrée. Le site et l'activité de canotage y sont évoqués à travers de nombreux tableaux, et aussi par l'exposition d'une yole d'époque.  Il est aussi  consacré à Renoir et particulièrement aux œuvres réalisées par lui sur place, dont des reproductions sont exposées. On peut y voir aussi un bronze signé Renoir, des œuvres de Derain , des céramiques de Maurice de Vlaminck, des souvenirs de Guy de Maupassant. Enfin, notamment à l'étage, une grande place est faite aux "petits maîtres des bords de Seine", des peintres surtout  paysagistes comme Gustave Maicent, Charles Camon, Maurice Réalier-Dumas,  et bien d'autres. 

Le musée a été installé dans l'ancien hangar à bateaux d'Alphonse Fournaise.

Une visite guidée est possible pour les groupes sur demande.

On voit ici l'état de délabrement de la maison Fournaise avant sa restauration.

Le célèbre Déjeûner des canotiers de Renoir fait l'objet pendant la visite d'un décryptage minutieux, consistant à identifier les membres de son cercle d'amis ici représentés.
Ainsi Alphonse Fournaise fils serait représenté debout à gauche, et Alphonsine au centre, accoudée. A gauche au premier plan, ce serait Aline Charigot, future madame Renoir et mère de Jean.A droite , assis,canotier sur le chef, le peintre Gustave Caillebotte. Le poète Jules Laforgue serait présent au fond , discutant avec un homme au chapeau haut de forme… Renoir se serait ajouté de profil, à côté de la femme qui boit , pour éviter qu'il y ait 13 personnages sur la toile, comme dans La Cène...
 Le tableau est dans un musée de  Washington, "The Phillips collection".

A l'étage, sont exposées et commentées d'autres reproductions d' œuvres de Renoir réalisées sur place, notamment les portraits de M. Fournaise et de sa fille Alphonsine.

Il s'agit ici du tableau Canotiers, déjeuner au bord de la rivière 1879.

Portrait d'Alphonse Fournaise réalisé par Renoir en 1875.

Portrait d'Alphonsine, fille de M. Fournaise. 1879. Musée d'Orsay.

Une de ces yoles utilisées sur la Seine à l'époque.

Ici un tableau d'un de ces "petits maîtres des bords de Seine" dont le musée possède une collection. On aperçoit la maison Fournaise au fond, et le pont de Chatou alors en pierre.
La photographie des œuvres originales n'étant pas autorisée, nous avons dû nous limiter à cet exemple.