correspondant agoravox

vendredi 14 décembre 2012

Le domaine du château d'Angervilliers: vers la renaissance d' un site marqué par la tragédie ?


Un site pathétique.

8 décembre 2012, 10h du matin : un petit groupe de curieux , sous la houlette d’Alban Damars, enfant du pays et conseiller municipal, quinquagénaire passionné par le patrimoine local, s’engageait dans les allées couvertes d’un épais tapis de feuilles mortes du domaine du ou des château(x) d’Angervilliers exceptionnellement ouvert au public. La municipalité avait eu l’idée d’organiser une « Randonnée pour le téléthon » dans l’immense parc de 50 hectares. Une occasion à ne pas manquer pour découvrir enfin ce mystérieux domaine tenu comme à l’écart du monde !

Visite intéressante : on découvrit par exemple le système d’adduction d’eau , assez complexe, du site ; mais visite bien triste aussi, car au fil de la promenade, ce ne fut qu’une succession de ruines pathétiques : celle d’une ancienne pergola, deux ou trois colonnes tronquées perdues au milieu d’un groupe d’arbustes –car la nature a repris ses droits depuis longtemps dans le domaine ; d’autres colonnes encore, celles d’un ancien temple gréco-romain situé à l’extrémité d’un « grand canal » cerné désormais par les bois ; ruines de l’ancienne maison du gardien, plus loin ; au delà encore , s’offre aux yeux du promeneur la grande  carcasse blessée du « manoir » , construit au début du XXe siècle , et déjà en bien triste état : c’est le fruit de l’œuvre du temps, mais aussi des pillages ! Navrante cerise sur ce poignant gâteau : le "château rose", plus ancien –il date de 1815- enfoui dans la végétation, et comme ses communs, dans un état de délabrement tel qu’on évite d’en approcher !

8 décembre 2012 :devant le "manoir", grande carcasse blessée...
                                                                                                           
 Seuls encore à peu près debout sur le site : la ferme-poulailler, où le dernier propriétaire se réfugiait encore lorsqu’il venait en week-end, et la ferme du Marchais , qui exploitait autrefois, avec la ferme de la Tuilerie (cachée par les arbres) les 120 hectares appartenant aux châtelains.

La raison ? Depuis le décès , durant la dernière guerre, des propriétaires d’alors, M.et Mme Weisweiller, le domaine est resté quasiment à l’abandon.

Jusqu’aux abords du XIX e siècle : les grandes heures du domaine .

Un premier château a dû être construit au XIVe siècle : il était la résidence d’Elisabeh d’Angervilliers, dame de Fleury-en-Beauce. Sa plus illustre propriétaire fut , à partir de 1555 , rien moins qu’Anne de Pisseleu , duchesse d’Etampes , la maîtresse de françois 1er !
Après 1600 , divers propriétaires se succédèrent , dont Charles-Prosper Bouin, ministre de la guerre de Louis XV.
Entre temps , au XVII e siècle, un second château avait été construit , dont il reste encore quelques communs.
On a quelque mal à imaginer , en voyant l’ état aujourd’hui de la propriété, le grand parc à la française dû à LE NOTRE qui l’entourait, et ses superbes pièces d’eau , alimentées par des aqueducs souterrains (qui subsistent d’ailleurs).

Quand la Nature reprend ses droits:
une vue du grand canal en 2012...

Juste avant la révolution, le propriétaire s’appelait Jean-Louis JULIEN. Il émigra en 1792, et ses biens faillirent être vendus comme Biens Nationaux ; et là , premier épisode tragique qui marqua le site : Jean-Louis JULIEN revint précipitamment dans sa propriété et se suicida sur la pièce d’eau.
Finalement, ses filles en héritèrent, dont Madame de Catelan , une amie de Madame Récamier ; avant 1808, il semble qu’elle ait reçu à Angervilliers sa célèbre amie, ainsi que les proches de celle-ci : Benjamin Constant, Madame de Stael , ou encore Chateaubriand.

Transformations et nouveaux drames.

En 1815 , donc , le « château rose » se substitue dans la propriété à l’édifice du XVIIe rasé ; puis au XXe siècle s’y ajoute le « Manoir », de style anglo-normand ,construit à l’emplacement du château  ancien disparu. Voilà donc le domaine avec deux châteaux , qui vont péricliter de concert après la dernière guerre.

Un fait divers tragique se produit dans la propriété entre temps, en janvier 1873 : les époux TUPIN furent assassinés dans la ferme-poulailler qu’ils habitaient. Victimes d’un crime crapuleux , ils sont décédés se tenant la main.

Dernier drame , et aux conséquences durables, dans les années 40 : M.Weisweller, le propriétaire d’origine israelite , se suicide à l’arrivée des allemands ; son épouse , elle , mourut dans les camps. Quand le baron de Gainsbourg rachète le domaine, il est déjà en piteux état ; son dernier propriétaire, M.Leven , des Eaux Perrier, le laisse à l’abandon. Il loge, comme nous l’avons dit, dans la ferme-poulailler quand il vient en week-end.

Retour progressif à la vie ?

Dès 1983 , la municipalité d’Angervilliers rachète et rénove une partie des communs , l’ancienne orangerie ou pressoir en forme de H, datant de 1682 notamment ,qui devient salle polyvalente et mairie. Se constitue alors, avec le superbe colombier du XIXe , devenu bibliothèque municipale , le puits de 1877 , et leur entourage, les communs de l’ancien château , à quoi s’ajoute l’église voisine, un bel ensemble architectural qui valorise le centre du village.


        La mairie, en 1983, s'était déjà installée dans l'ancien bâtiment de l'orangerie rénové (XVIIes).

 Et puis voici que les choses bougent de façon plus décisive : une SCI s’est constituée, la Société d’Aménagement du Domaine d’Angervilliers. Certes, un programme immobilier est prévu , mais il ne sera développé qu’en marge du parc , le long de la D 838 (route de Dourdan) : « Cela ne prendra qu’1/4 de la superficie du parc » explique Alban Damars . « De plus , la société s’est engagée à construire sur une des deux parcelles des maisons de plein pied pour des seniors valides. ». Pour l’essentiel, le parc sera préservé. De plus la société s’est engagée à restaurer les communs du « château rose », en face de la mairie. Le manoir doit être réhabilité, ou réaménagé ; en revanche le « château rose », en trop mauvais état, sera rasé.

Une nouvelle ère s’annonce donc pour le domaine d’Angervilliers.

La vie va peut-être enfin reprendre ses droits.

JMS

Article rédigé pour la Blogazette des Ulis et du Hurepoix.

                                                    HIER ET AUJOURD'HUI : 

                                                    LE MANOIR  (début 20e):


décembre 2012. Il pourra peut-être être réaménagé.

carte postale ancienne.


Le CHATEAU ROSE (1815) :
Aujourd'hui: très délabré et enfoui dans la végétation.

du temps de sa splendeur...

          A venir: toutes les images du domaine sur le site : www.jmsattohurepoix.blogspot.com  


1 commentaire:

  1. Une réaction de Dominique:

    Intéressant et mélancolique ton article sur le château d'Angervilliers :grandeur et décadence ,une succession d'accidents ,une histoire mouvementée qui illustrer la vanité edes choses humaines ...Une nature morte architecturale donc qui rend le lieu attachant !

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