correspondant agoravox

jeudi 13 décembre 2012

L’exposition « Le chemin des Huguenots » au château du Marais fait surgir du passé une communauté oubliée!

Dominique Cantryn, ancien professeur d’histoire , apporte  les preuves de l’existence méconnue d’une communauté protestante dans les campagnes du Hurepoix au XVIe et XVIIe siècles..

Un lieu chargé d’histoire :

L’automobiliste empruntant la route menant de Dourdan à Rochefort en Yvelines, ne remarquera sans doute pas la présence, sur sa droite, à l’approche de Longvilliers et du péage de Saint-Arnoult, du joli château du Plessis aux fines tourelles trop parfaitement dissimulé par le feuillage abondant des arbres de son parc … Il aura alors manqué , outre une émotion « architecturale », un lieu marqué par un épisode et surtout par un personnage important de notre Histoire de France , qui hérita du château en 1559 : Philippe du Plessis-Mornay.
                                                             
 Le château du Plessis-Mornay.

Protestant, compagnon d’armes valeureux du futur Henri IV, puis son conseiller lorsque celui-ci accède au pouvoir, écrivain, théologien (on le surnomma le « pape des protestants »), il joue un rôle de premier plan à l’époque, notamment dans la rédaction de l’Edit de Nantes, qui permet un temps aux huguenots d’exercer leur culte.

Pas de protestants en Hurepoix ?

Jean Jacquard, titulaire d’une chaire d’histoire à Paris IV , et auteur d’une thèse intitulée « Des guerres de religion à la Fronde en Hurepoix » y affirme l’absence d’une communauté protestante dans la région. La présence sur place de quelques grands nobles huguenots n’aurait eu qu’une influence négligeable sur la population des campagnes..

En 2009, Dominique Cantryn, ancien professeur d’histoire depuis peu à la retraite, apprend que sa famille est originaire du territoire de Longvilliers (Yvelines), qui inclut le hameau du Plessis, et se lance dans des recherches généalogiques en consultant les registres paroissiaux  conservés aux archives départementales de Saint-Quentin en Yvelines..

Et puis elle commence à se poser des questions: comment est-il possible, se dit-elle, qu’il n’y ait pas eu de communauté protestante dans ce coin de France où « le pape des protestants » a eu un temps sa demeure ?

Philippe du Plessis-Mornay
le "pape des protestants"
Son hypothèse en tête , elle se plonge plus avant dans les dits registres, et n’a pas de mal à « dénicher » un nombre important d' « abjurations ». Si abjuration il y a, se dit logiquement notre Sherlock Holmes du passé, c’est bien que des protestants vivaient là, et en nombre apparemment !

Une communauté sortie de l’oubli.

En étudiant aussi, dans les registres, les actes de vente ou encore les contrats de mariage, qui permettent de saisir les ramifications familiales, en prenant comme indices les prénoms bibliques, elle parvient à identifier 40 familles protestantes, soit 150 à 200 personnes tant dans les hameaux de Longvilliers (Le Plessis, Bouc Etourdi…) que dans des localités proches comme Dourdan, Saint-Arnoult, Sermaise ou Orcemont : des gentilhommes, des marchands, des vignerons et beaucoup d’ouvriers en soie notamment. Une communauté qui semble-t-il vivait à l’origine en bonne intelligence avec les catholiques.
Les panneaux d’exposition présents dans l’orangerie du Marais produisent les documents concrets faisant preuve.

Ses recherches lui permettent aussi de déterminer qu’un culte protestant fut établi au Plessis par Philippe de Mornay et son épouse Charlotte Arbalesque en 1601, conformément aux dispositions de l’Edit de Nantes ; elle a pu établir qu’un temple fut construit dans l’enceinte du domaine, et elle a pu retrouver les noms des ministres du culte qui y officiaient.

A gauche du château  du Plessis part un chemin qui mène à Bandeville , qu’empruntaient sans doute les croyants pour venir au temple : c’est celui qu’on appelle le « chemin des huguenots ».

Le temps des persécutions.

Les panneaux d’exposition du Marais présentent aussi des documents attestant de la répression du culte protestant dans la région (300 arrêts prononcés entre 1659 et 1689), comme ce paiement de ceux qui avaient démoli le temple du Plessis dans les archives de l’Hotel Dieu de Dourdan, ou ces écrits consignant des abjurations collectives, surtout de femmes et d’enfants.

Dominique Cantryn pousse encore plus loin son enquête, notamment en consultant les archives de la Bibliothèque Protestante, rue des Saints-Pères à Paris,ou des archives anglaises : elle retrouve en Angleterre, à Canterbury précisément, les noms de famille de notre petit coin du Hurepoix : les noms de ceux qui avaient choisi l’exil ; ils faisaient partie des 250 000 protestants émigrés en 1686. D’autres avaient fui en Afrique du sud via la Hollande : un certain Charles Marais, propriétaire de la ferme du Plessis Marle, s’est fait appeler « Seigneur du Plessis » : il descendait en fait d’une famille de vigneron du Hurepoix.

Dominique Cantryn devant son exposition du Marais.

Notre chercheuse produit aussi plusieurs indices révélant qu’une communauté protestante clandestine a perduré dans la région.

A propos de la Noblesse…

Dans un second temps, Domique Cantryn s’intéresse à la présence dans la région de la noblesse protestante ; ses sources, outre la Bibliothèque protestante, les archives départementales de Saint Quentin en Yvelines, ou encore les Mémoires de Charlotte Arbalesque,dame de Mornay, ou celles  d’Agrippa d’Aubigné. Elle s’aperçoit alors que le réseau « réformé » dans cette catégorie sociale  est plutôt dense dans la région. Outre Philippe de Mornay et son épouse Charlotte Arbalesque au Plessis (Longvilliers), mentionnons la famille Hurault, seigneurs du Marais ; Dourdan, dont le château est acquis en 1605 par Sully (son épouse est de plus la nièce de Charlotte Arbalesque), et dont Philippe Hurault sera le gouverneur jusqu'en 1620 ; Rambouillet, fief de François d’Angennes ami de Philippe de Mornay et compagnon d’Henri IV ; à Sermaise, ou encore La Norville, la noblesse est protestante et organise le culte…

Un panneau sur ce sujet , ajouté en 2012, répertorie précisément les membres de ces familles nobles.

Une recherche passionnante.

Vraiment passionnante, la démarche de chercheuse de Dominique Cantryn , qui , tirant de plus en plus le fil précieux qui l’amène de découverte en découverte, amasse une moisson d’indices très convaincants. Passionnante aussi, commentée par elle, la découverte de son exposition, organisée dans l’orangerie du Marais grâce à la bienveillance d’Anna de Bagneux, propriétaire du château : c’est une expérience que nous recommandons chaudement !
         Il y a quelque chose d’émouvant aussi de voir émerger de l’oubli où les avait sans doute plongés l’intolérance religieuse tous ces noms, tous ces êtres …


Le fameux "chemin des Huguenots" au Plessis-Mornay (affiche de l'exposition du Marais).

Dominique Cantryn a aussi déposé plusieurs communications concernant ces recherches à la Bibliothèque protestante, en Angleterre , et même au musée huguenot en Afrique du sud ! Elle fait des conférences sur le sujet ( à Etampes par exemple) et vient de publier un article dans l'organe de la  la Société historique de Rochefort-en-Yvelines…);elle a aussi présenté son travail sur France-Culture dans le cadre d’une émission proposée par le Comité des Amitiés Protestantes.

Cette exposition est visible dans l'orangerie du château du Marais.

JMS

Un article réalisé pour la Blogazette des Ulis et du Hurepoix.


1 commentaire:

  1. Comme le soulignait la conservatrice du château de Dourdan la communauté protestante était en rapport direct avec celle très active d'Orléans. Autant Chartres était catholique autant Orléans était un foyer huguenot très actif (Calvin y avait été étudiant)

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