correspondant agoravox

mercredi 22 septembre 2010

VOYAGES SCOLAIRES:faire payer le voyage des profs par l'établissement,une fausse bonne idée...

Depuis peu,sur la demande d'ailleurs d'une association de parents d'élève,on demande aux établissements,lorsqu'un voyage scolaire est organisé,de payer le voyage des profs accompagnateurs.Que se passait-il auparavant?Les organismes de voyage proposaient des soi-disant gratuités aux enseignants participant au déplacement,mais haussaient d'autant le prix global du voyage,et donc le prix par élève (chaque famille devant acquitter une somme correspondant au prix global divisé par le nombre d'élèves):ce qui revenait à faire payer le voyage des profs par les familles.


A première vue,on ne peut que  louer  cette mesure:l'idée que les familles paient pour les profs paraît odieuse.En réalité,je suis désolé de dire qu'il s'agit là d'une pure démagogie,et d'une solution qui n'aboutit qu'à entraver les projets pédagogiques.

Le coût du voyage des 3 ou 4 accompagnateurs pour 50 élèves par exemple,réparti sur l'ensemble des familles,représente un surplus infime à payer .Il faut dire que par principe la plupart des enseignants dans ce type de projet refusent de payer leur voyage:est-ce discutable?Les profs voyagent partiellement sur leur temps scolaire,et ils sont déjà payés pour ce qu'ils ont à faire sur ce temps-là.Cependant,il y a dépassement,puisqu'ils sont responsables des élèves jour et nuit,et même le week-end.Si quelques collègues admettent le principe d'une certaine participation financière,notamment pour donner un "coup de pouce"aux élèves dont les familles ont des difficultés,la plupart s'y refusent,et donc il faut" faire avec" cette réalité si on veut monter un projet.

 Alors quelle est la conséquence de cette mesure? Si 4,5 voyages ou plus sont projetés dans l'établissement,cela fait monter la somme que celui-ci doit fournir.Et ce qui devait arriver arriva:l'établissement dispose pour ce chapitre de moyens trop limités,ce qui aboutit donc à restreindre le nombre de voyages,et tel ou tel collègue a le désagrément de devoir renoncer -avec au mieux la promesse qu'on penserait à lui l'année d'après- au projet pédagogique qu'il avait concocté pour ses élèves.Oui,mais ces élèves ci,que j'ai aujourd'hui,que deviennent-ils?Ils n'ont pas le droit de bénéficier d'un projet auquel je crois?

  Cette mesure apparemment judicieuse devient donc juste une entrave pour ceux qui croient au voyage comme moyen pédagogique.Un tel système en fait suppose un jugement négatif sous jacent,plus ou moins formulé,concernant les voyages scolaires:"le lycée n'est pas le club med","alors ça y est,on part en vacances?"etc...autant de réflexions qu'on entend de temps à autre de la part de collègues bien intentionnés qui ne voient le voyage que comme une agréable promenade.Et parfois,quand ils y participent,c'est aussi dans cet esprit!

  En bon lecteur de Freinet dans mes premières années d'enseignement,je crois utile d'aller sur le terrain pour "apprendre autrement";je crois que l'expérience vécue,les émotions ressenties sur place,ancrent davantage la connaissance.Aller sur les pas de Kafka à Prague apporte une dimension qui rendra inoubliable ce qui a été fait sur cet auteur;se trouver in situ sur les sites baroques de Bavière,dans le cadre d'une étude sur ce mouvement en littérature et dans les arts,c'est autre chose que de regarder distraitement des images de papier...Et au retour,on bâtit un dossier,qui nous permet de "creuser" encore le sujet avec des images fraîches dans la tête et des souvenirs qui nous donnent envie d'y revenir.


   L'école doit être gratuite,me dit le responsable d'une APE.Ce n'est pas en demandant au lycée d'acquitter une somme qui serait minime pour les parents qu'on rend le projet gratuit!Un voyage est FACULTATIF,c'est-à-dire qu'il se fait si professeur et élèves (et bien sûr surtout parents) sont d'accord pour qu'il se fasse.Dans un lycée d'enseignement général,où les familles n'ont la plupart du temps pas de difficultés financières,une écrasante majorité d'entre elles sont favorables à cette ouverture culturelle (ou linguistique selon le cas) que constitue le voyage;si certains ont des problèmes,le fonds social lycéen devrait pouvoir les aider.Souvent il ne le fait pas assez,car les sommes sont limitées là encore.

  Et pourtant,c'est plutôt cela la solution.Ce que devraient demander les APE c'est une augmentation substantielle des moyens accordés au fonds social lycéen, par exemple,pour faire en sorte qu'aucun élève d'une classe soit privée du projet.

  Dans les lycées techniques,au recrutement social plus problématique en général,l'établissement dispose souvent de plus de moyens pour aider les élèves financièrement;et l'expérience montre que ceux-ci sont prêts à s'investir pour gagner de l'argent afin que le voyage se réalise;celui-ci devient encore davantage leur projet.J'en ai vu qui allaient le dimanche ,avec leurs profs,vendre de la brocante au marché! Souvenirs impérissables,et un autre vécu de la relation profs-élèves...

 Je pense que par toute une série de mesures,de contraintes,au fil des années,on a voulu en fait limiter les voyages.Il fallait avoir vraiment la foi pour en organiser!Peut-être y a-t-il eu des abus,des "voyages promenades" en excès. Ainsi ceux qui y voient un moyen pédagogique en ont-ils subi les conséquences...

 C'est regrettable.Un voyage (facultatif et qui ne se monte qu'avec l'accord des familles) sera toujours payant.En diminuer symboliquement le montant,avec les conséquences que cela a,n'est pas une bonne idée.Il serait bien plus intelligent et efficace de militer pour que les moyens accordés pour aider les familles en difficultés financières soient augmentés.Par ailleurs,et cela je l'approuve,un voyage n'a à être autorisé que si sa valeur pédagogique est reconnue.

jmsatto


Eléves du lycée technique  JJaurès de Châtenay-Malabry  vendant un dimanche à la brocante de Fontenay pour financer leur voyage en Sicile.

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