correspondant agoravox

lundi 8 octobre 2012

L'exposition COURLANDE au château du MARAIS:


Dans les anciennes écuries du château du Marais, le visiteur pourra découvrir une exposition permanente consacrée au duché de COURLANDE.

Vous avez dit COURLANDE ?

Non, ce n’est pas un pays fantaisiste sorti de l’imagination de l’auteur de Tintin… A l’origine, c’est le « pays des Kours » , une peuplade païenne qui s’abritait des attaques extérieures dans les vastes forêts marécageuses situées sur les bords de la Baltique , à l’ouest de la Lettonie actuelle ... Au Moyen-Age, cette contrée devient une zone d’influence polonaise. L’évêque de Livonie crée un ordre militaire et religieux, les « Chevaliers porte-glaive », qui fusionne avec l’ordre des chevaliers Teutoniques dès 1237 ; son but : évangéliser les populations autochtones.

Il faut attendre l’année 1561 pour que la Courlande soit érigée en duché : par le traité de Wilnau, la Pologne accorde le territoire , ainsi que la Sémigalle voisine, à Gotthard Kettler, cinquantième grand maître de l’ordre , converti entre temps au luthéranisme. Celui-ci fonde alors une dynastie, qui, à travers diverses péripéties, gouvernera la Courlande jusqu’en 1711 , année de la mort prématurée à 19 ans de son descendant Frédéric-Guillaume Kettler. Comme celui-ci avait épousé une nièce du tsar Pierre-le-Grand, Anna-Ivanovna, c’est la Russie qui va alors tenir les rênes du duché.


Buste de Pierre Biron, duc de Courlande, en empereur romain (musée du château).

Maurice de Saxe , fils bâtard du roi de Pologne, devient duc de Courlande en épousant Anna-Ivanovna ; mais , époux infidèle, il perd sa confiance et est chassé ; quant Anna-Ivanovna, en 1730, devient impératrice de Russie, à la mort de Pierre II, elle impose bientôt son favori, un certain Ernest Burhen, gentilhomme de petite extraction, qui francise son nom (le français est à la mode) et devient Ernest Johann von Biron, duc de Courlande. Elle en fait aussi son 1er ministre ! Mais en 1740, Anna meurt, son protégé, haï en Russie, doit s’exiler avec sa famille en Sibérie .Leur vie y sera difficile . C’est la nouvelle tsarine Catherine II qui le rappelle d’exil en 1763 et le rétablit dans ses droits ; 6 ans plus tard, en raison d’un contexte politique tendu, il abdique en faveur de son fils Pierre. Le duché de Courlande cesse d’exister en 1795 après le partage de la Pologne entre Prusse, Autriche et Russie : Pierre renonce à son duché, et la Courlande est désormais sous domination russe. L’ancien duc vend avantageusement ses biens à la Russie et se replie sur le duché de Sagan, en Silésie, qu’il avait acheté antérieurement, en 1786. Le titre de duc de Courlande reviendra désormais au tsar. La Courlande sera pour finir intégrée à la Lettonie en 1920 .

Pourquoi une exposition COURLANDE au château du Marais ?

Tout simplement parce que l’actuelle famille propriétaire descend de la seconde dynastie des ducs de Courlande, les Biron. En effet, en 1808 , lors de l’entrevue d’Erfurt, l’influent TALLEYRAND (alias Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord) , qui cherchait un beau parti pour son neveu Edmond de PERIGORD, obtient l’appui du tsar pour un mariage d’Edmond avec Dorothée Biron de Courlande, fille cadette du très riche duc Pierre. Anna de Bagneux, actuelle propriétaire du Marais, et descendante d’Edmond et Dorothée, s’est donc intéressée à la Courlande, et a construit à l’issue de nombreuses recherches cette exposition, installée dans les anciennes écuries du château ; elle complète le musée consacré à Talleyrand et à la famille des Talleyrand-Périgord.

Les armes du duché de Courlande et de Sémigalle (exposition Courlande).

Portraits de famille…

L’exposition nous présente d’abord la famille Biron de Courlande : nous y voyons les portraits d’Ernest Johann , et de sa femme Bénigna, dame d’honneur de la tsarine ; celui aussi de Pierre, et de son épouse, née Anne Dorothée de Medem , aussi belle que charmante, descendante d’un chevalier Teutonique . Il l’a épousée à 55 ans , elle en avait vingt. Quatre de leurs six enfants survivront , leur portraits sont également présentés : celui de Wilhelmine , enfant préférée de son père, qui épousa un émigré français, le prince Louis de Rohan-Guémenée , puis se remaria deux fois ; elle gagna même le cœur de Metternich , ce qui lui valut une certaine influence au moment du Congrès de Vienne ; celui de Pauline, pleine de talents , drôle et généreuse, qui épousa un Hohenzollern et vivra avec lui dans leur palais de Prague ; celui de Jeanne , qui sera déshéritée par son père pour avoir entretenu une liaison avec le jeune et beau Arnoldi, son maître de musique, lequel sera exécuté ; le fruit de leur union, un garçon prénommé Fritz, sera adopté par une dame d’honneur de la duchesse ; enfin celui de Dorothée.

On retiendra du duc Pierre ses qualités de gestionnaire et d’administrateur, tant en Courlande que comme duc de Sagan ; c’est un collectionneur d’art, mais un piètre politique : ainsi il ne parvient pas à calmer la fronde des nobles de Courlande.Il a un caractère ombrageux et dur.Son épouse Anne-Dorothée connut plus tard un amour réciproque avec Talleyrand ; à la suite du mariage de sa fille Dorothée avec Edmond de Périgord, elle vécut à Paris de 1809 à 1812 , et mourut en 1821 sans avoir perdu le contact avec son illustre amant.

Dorothée de Courlande , le charme et l’intelligence réunis .

Dorothée de Courlande, duchesse de Dino, puis de Talleyrand et de Sagan.

Quant à Dorothée, qui brille dans le monde par son intelligence , sa profonde culture, et son charme, elle se sépare bientôt de son mari Edmond, dont elle a eu trois enfants ; elle a de nombreux amants , et entretient , en même temps, une relation privilégiée avec Talleyrand : elle vit avec lui à l’hôtel Saint-Florentin, à Londres, et au château de Valençay jusqu’à sa mort. On dit qu’il a été son amant, et on soupçonne sa fille Pauline d’être de Talleyrand, mais ce n’est pas prouvé. Anna de Bagneux croit plutôt à une grande complicité intellectuelle entre eux. Elle fut en tous cas son héritière universelle ; le titre de « duchesse de Dino » notamment (le titre de « duc de Dino » avait été accordé à Talleyrand par le roi des Deux Siciles) lui échut. Elle hérita aussi par la suite des titres de duchesse de Talleyrand et de duchesse de Sagan. Elle regagnera en effet le château de Sagan, racheté à sa sœur Pauline, et elle règnera sur le duché jusqu’à sa mort en 1862. Elle est inhumée à Sagan, mais a fait mettre son cœur par testament à Valençay auprès de la tombe de son oncle par alliance.

Les 11 châteaux des ducs de Courlande.

L’exposition présente aussi les différents châteaux de la famille Biron de Courlande : tout d’abord deux splendides constructions voulues par Ernest-Johann Biron : le château de Jelgava (ou Mitau ), capitale du duché, était la résidence principale du duc de Courlande ; son château préféré  est Rundale , résidence d’été, œuvre du grand architecte baroque Rastrelli (qui a construit aussi le palais de l’Ermitage et celui de Tsarkoie Selo à Saint-Pétersbourg).Très endommagé pendant la dernière guerre, Rundale a été restauré et se visite. Celui de Jelgava est en cours de restauration.

Le château de RUNDALE (exposition Courlande ).

Pierre pour sa part a fait construire par l’architecte danois Jensen le coquet château de Svete , aux portes de Jelgava, qui a ensuite servi de caserne tout au long du XXe siècle ; il est aujourd’hui à l’abandon ; celui de Vircava, œuvre du même Jensen, était le refuge du duc Pierre , son « Versailles » à l’écart des tensions politiques de la capitale : devenu lui aussi caserne, puis brûlé en 1919, il n’est plus pour l’essentiel que ruines . Le château de Pienava, de Jensen également, au départ résidence de chasse, devint le « petit Trianon » d’Anne-Dorothée, le lieu de l’intimité familiale. Endommagé pendant la guerre, ce n’est plus lui aussi qu’une ruine. Inquiet de l’instabilité politique en Courlande, le duc Pierre se mit à acheter des châteaux à l’étranger : celui de Friedrischsfeld, en Prusse, près de Berlin, qu’il revendit plus tard, ceux de Nachod, et de Ratiboric, en Bohême , ceux de  Gellenau, Gross-Wartenberg, et bien sûr de Sagan  en Silésie…
Le musée présente aussi des costumes typiques de la Courlande, et on peut même se faire prendre en photo habillé(e) en courlandais(e)..!

Une histoire et une contrée qui méritent d’être connus, à l’heure où le tourisme se développe de plus en plus dans les pays baltes…

JMS


Le château du Marais au soleil du soir , comme un gros bijou scintillant (cliquer pour agrandir).

       Consultez le site officiel du château du Marais: www.lechateaudumarais.com


       A LIRE AUSSI , NOS DEUX PREMIERS GRANDS ARTICLES SUR LE MARAIS:

                                   - les grandes heures du château du Marais :
 http://jmsattoblogazettedesulis.blogspot.com/2012/07/les-grandes-heures-du-chateau-du-marais.html

                                   - les TALLEYRAND et le Marais :
http://jmsattoblogazettedesulis.blogspot.com/2012/08/les-talleyrand-et-le-chateau-du-marais.html


      Un site consacré aux "dames de Courlande":

www.dames-de-courlande.fr

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire