FACE OFF, de Philippe Pasqua- 2016.
LE DOMAINE DE CHAMARANDE, UN BEL ECRIN POUR UNE EXPO:
Le domaine de Chamarande appartient au département de l'Essonne depuis 1978. Depuis 2001, il est devenu un centre d'art contemporain et de nombreuses expositions y sont organisées.
Le château de style Louis XIII et au premier plan le buffet d'eau du XVIIIe siècle.
Installé dans un parc de 98 hectares, l'actuel château a été construit en 1655 par l'architecte du roi Nicolas de L'Espine pour Pierre Mérault, ancien fermier des gabelles, enrichi et anobli par l'acquisition d'une charge d'écuyer et secrétaire du roi Louis XIV. Certains aménagements interviendront plus tard, notamment au XVIII e siècle.
L'actuel bâtiment, vide de tout ameublement, sert d'écrin à des expositions. Il abrite aussi notamment les archives départementales.
A LA RENCONTRE DES OEUVRES DE PHILIPPE PASQUA:
Né en 1965, l'artiste a d'abord été peintre, dès l'âge de 18 ans, avant de passer à la sculpture, en général monumentale. Il se signale, nous dit-on, par des œuvres qui "impressionnent, bousculent, dérangent".
Installée au centre du potager Contant d'Ivry, la première œuvre se présente comme une tête féminine monumentale dont la moitié du visage manque. (Photo: Claude Poirson).
Cette œuvre en bronze, intitulée FACE OFF, fut notre premier choc visuel de l'après midi.
A première vue, la vision que nous propose l'artiste semble morbide.
Il faut lire le panneau informatif apposé à proximité pour saisir ses intentions .
On y apprend qu'il reprend à sa manière l'allégorie classique des vanités: dans la peinture classique, le caractère fragile et éphémère de la vie humaine est souvent symbolisé par un crâne. D'accord.
Le choix de la peinture noire serait d'ailleurs une référence au plomb "matière associée à la mort dans l'Antiquité".
Quel sens donner à cette moitié du visage arrachée? L'artiste montrerait "ce qui est socialement refoulé, voire même occulté. L'invisible, le mystérieux est ainsi dévoilé" peut-on lire. Bon.
On apprend aussi qu'est représentée ici une jeune fille trisomique (ce n'était pas évident), et qu'on aurait avec cette œuvre " une mise en scène expressive de la vulnérabilité". OK.
La 2e œuvre, monumentale elle aussi, est placée dans la perspective de l'allée d'honneur du château.
Elle se présente comme une sorte de requin géant en métal, pendu par la queue à un portique, la gueule, effrayante, est béante. Encore une image de la mort, et donc de la fragilité de la vie? Mais cette fois la mort est vraisemblablement causée par l'intervention humaine. Image de la souffrance aussi.
Que nous apprend le panneau informatif?
Qu'il s'agit d'un mégalodon, requin préhistorique. Une race disparue. Symbolise-t-il la menace sur la faune marine, (ou plus largement terrestre), que fait peser l'intervention humaine, via la pollution par exemple? Il semble bien qu'on puisse l'interpréter ainsi.Le titre de l'œuvre : "Who should be scared " (Qui doit avoir peur?) livre une clé: qui doit avoir peur? L'homme, devant ce monstre effrayant, ou l'animal, en proie aux effets de l'activité humaine?
Philippe PASQUA, militant écologiste?
Autre détail: la surface miroitante de la sculpture " accentue l'idée du trophée de chasse", nous dit-on.
UN JEU DE REFLETS FABULEUX:
Le décor se reflète sur la surface en inox de la sculpture, ce qui crée des effets fabuleux.
Une peinture abstraite? Une oeuvre d'art sur l'oeuvre d'art?
L'allée d'honneur se profile sur la surface de la sculpture.
Un jeu de formes étonnant.
Les visiteurs ne résistent pas à l'envie de réaliser un portrait de groupe original.
DEVANT LE CHATEAU:
Devant le château, l'artiste nous propose un squelette de tortue géante empêtrée dans un filet de pêche, visiblement cause de sa mort. La mort encore. Le message semble une nouvelle fois écologique: la faune est mise en danger par l'activité humaine.
Autre vue.
Le panneau informatif nous apprend que la sculpture a été moulée en bronze doré sur un squelette de tortue préhistorique. Encore un animal disparu, encore un avertissement donc.
Son titre : SANTA MUERTE, nouvelle référence à la mort, "évoque l'icône du folklore mexicain, personnification de la mort, qui dans ce pays est associé à la protection et à la guérison", nous dit le panneau.
Le fait d'avoir utilisé le bronze doré magnifierait ces ossements, façon de s'opposer pour l'artiste à l'indifférence humaine vis à vis de la disparition des espèces.
Une petite pause à l'ombre des grands arbres du domaine est toujours agréable. (Photo Claude Poirson).
DANS LE CHATEAU:
Sculptures et installations.
Visiteurs devant l'entrée du château.(Photo: Claude Poirson).
On découvre à l'intérieur de nombreuses sculptures de verre représentant des méduses, installées dans une sorte de container, le tout se reflétant dans le miroir du fond de la salle.
D'après la notice à disposition, le container serait une benne à ordures représentant la mer.. Encore une image de la Nature maltraitée par l'homme?
Vue inverse prise depuis le miroir.
L'oeuvre de l'artiste s'appelle : "le chant des Méduses", une référence au chant des sirènes ensorceleurs de la légende. C'est par leur aspect miroitant que les méduses fascineraient l'homme, se montrant tout comme les sirènes à la fois séduisantes et dangereuses.
L'artiste installant les méduses (images d'une revue).
Dans la pièce suivante, une curieuse "installation": une autruche naturalisée debout dans un lit d'enfant, tenant en son bec… un préservatif.
Interprétation libre...
PEINTURES et DESSINS :
Plusieurs peintures ou dessins de l'artiste couvrent les murs des différentes pièces. Il semble s'intéresser avant tout aux visages et aux corps humains.
Œuvre intitulée: Stéphanie (dessin et peinture).
Une vision de la famille (dessin, peinture, et photographie).
L'Origine du monde version masculine?
Ces visiteurs font une pause bienvenue à l'ombre d'un superbe hêtre pourpre âgé de 150 ans…
DU COTE DE L'ORANGERIE:
A l'extérieur de l'orangerie, nous découvrons une sculpture en bois représentant un crâne sur lequel 4 papillons sont posés. Encore une allégorie de la mort, visiblement, pour nous rappeler la fragilité de la vie? La thématique classique des vanités. Mais quid des papillons? Symboliseraient-ils la fragilité des êtres vivants? C'est confirmé par la petite notice proche, selon laquelle ils représenteraient aussi l'envol de l'âme après la mort. Bon. On apprend aussi que la sculpture a été réalisée avec des poutres de bois récupérées dans de vieilles bâtisses, qui prennent ici une nouvelle vie. Autre info: cette œuvre de 2018 intitulée Sans titre a été brûlée in situ, d'où son aspect charbonneux.
Autre vue, du côté des 4 papillons.
DANS L'ORANGERIE.
Encore des crânes, posés dans une coupe. Toujours ce thème des vanités, et cette obsession de la mort.
Nous avons appris qu'il s'agit de vrais crânes, fournis à l'artiste par des anthropologues, auxquels l'artiste a fait subir un traitement: il les a recouverts de cuir tatoué qu'il a ensuite fait brûler…
De vrais crânes? Certains visiteurs se sont montrés plutôt choqués par cette révélation
De part et d'autre de la sculpture, deux portraits des mères des enfants de l'artiste…
UN PETIT TOUR DANS LE DOMAINE:
Une fois l'exposition visitée, une petite balade à travers ce beau domaine du Hurepoix s'impose.
Le château vu du parc.
Des colonies d'oies bernaches vivent ici tranquillement dans ce vaste espace naturel.
On peut s'intéresser aux arbres...
Perspective vers le château. A droite, l'île qui aurait été créée par Hubert Robert.
La truie sur le dos d'une artiste contemporaine est toujours là.
On admire la Juine merveilleusement verte à force de refléter la végétation alentour.
Au passage, on peut découvrir un magnifique platane dit hybride (croisement de platane d'orient et d'occident) âgé de 120 à 150 ans, dont les branches en retombant marcotent.
Dernier regard sur le château avant de quitter le domaine.
Un coup d'œil au passage sur le buffet d'eau et la cascatelle (XVIIIe). Les sculptures ont été ajoutées en 1913, notamment des copies des statues du parc de Versailles représentant des fleuves. (Photo: Claude Poirson).
SUR L'HISTOIRE DU DOMAINE:
Le château a notamment appartenu à d'illustres personnages:
. Pierre Mérault, écuyer et secrétaire de Louis XIV le fait construire en 1655 (il y avait eu deux châteaux antérieurs) et fait tracer un parc à la française.
. Gilbert d'Ornaison, dit "Chamarande" (en raison de son fief du Forez), premier valet de chambre de Louis XIV, l'achète en 1684. Il sera fait comte de Chamarande en 1685, et le village de Bonnes tout proche deviendra Chamarande.
. Louis de Talaru, marquis de Chalmazel, maître d'hôtel de la reine Marie Leszczinska, ajoute notamment l'orangerie, un belvédère, une glacière, la cascatelle, et un jeu de l'oie avec au centre un temple d'Amour. Il rénove les décors intérieurs.
Sous le consulat, la famille de Talaru qui a récupéré le domaine fait redessiner le parc à l'anglaise.
.Suivent plusieurs propriétaires dont le duc de Persigny (1857), ministre de l'Intérieur de Napoléon III. Il organisera à Chamarande une fête pour l'anniversaire de l'Impératrice.
. De 1922 à 1951, le domaine sera un important centre de formation pour les Scouts de France.
. 1978: le département acquiert le domaine.
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