Christian Coullaud, grand passionné d' autobus devant l'Eternel , a participé à l'opération organisée par la RATP à Paris pour les JEP 2016. Nous lui donnons la parole:
Malgré
les craintes du public en ces temps d'insécurité, malgré les
polémiques sur la pollution, les bus parisiens à plate-forme ont
fait le plein lors des Journées du Patrimoine RATP des 17 et 18
septembre 2016.
L'association
www.autobusdeparis.com
avait mis en service ses trois plus beaux exemplaires de 1931, 34 et
37 dans un parfait état de restauration. 6000 voyageurs se sont
succédé en deux jours et pas seulement des septuagénaires
nostalgiques soucieux de faire revivre, l'espace de quelques heures,
le charme du « bon vieux temps ».
On
mesure combien ces mécaniques d'un autre âge, disparues depuis plus
de 45 ans, sont définitivement associées à l'image du Paris
éternel : beaucoup de photos déjà diffusées sur les cinq
continents et surtout beaucoup d'émotion et de sourires.
A Paris dans les années 60.
L'intergénérationnel
est une notion à la mode qui vit réellement dans ces rencontres
informelles : chacun y va de son anecdote et les plus jeunes,
qui n'ont pas connu ces véhicules, sont heureux de les découvrir,
de participer aux conversations sur la plate-forme ou, pour quelques
privilégiés férus de mécanique, de faire quelques kilomètres,
cheveux au vent, à côté du conducteur.
Chacun
peut constater que si beaucoup de choses ont changé en 80 ans, le
transport urbain reste le flux sanguin qui, depuis bientôt 200 ans,
irrigue la capitale.
C'était le temps de la 4 chevaux....
A
vitesse variable selon les époques, le bus est le compagnon
quotidien de l'homme dans ses déplacements professionnels, ses
loisirs, sur le chemin du bureau, de l'atelier ou de l'école. Des
relations s'y nouent.
Le
look de ces lourdes machines surprend mais n'étaient-elles pas le
produit du génie humain, à la pointe du progrès technique,
lorsqu'elles furent conçues ?
Et
quel encouragement pour ceux qui ont restauré ces bus de voir
l'intérêt qu'ils suscitent de nouveau après un si long sommeil !
Le patrimoine industriel devient, au fil des années et au-delà
d'une simple émotion passéiste, un sujet de recherches
universitaires, l'éveil d'une vocation pour certains jeunes, qu'il
nous appartient d'entretenir.
Christian Coullaud
* LE TEMOIGNAGE D'UN VOYAGEUR D'UN JOUR :
Thomas C., 23 ans, étudiant à l'école des Chartes, qui n'a pas évidemment connu le
temps des autobus à plate-forme, a été conquis par l'antique engin..
.
* LE TEMOIGNAGE D'UN VOYAGEUR D'UN JOUR :
Thomas C., 23 ans, étudiant à l'école des Chartes, qui n'a pas évidemment connu le
temps des autobus à plate-forme, a été conquis par l'antique engin..
.
C'est
au cours de ces deux jours exceptionnels que j'ai eu l'occasion de
découvrir, il y déjà trois ans déjà, l'existence de ce
patrimoine.
J'ai
été surpris de voir, par hasard, déambuler ce cortège à la fois
iconique et méconnu de la plupart du public, si ce n'est dans une
représentation d'un Paris éternel et désormais lointain et que
nombre de touristes tentent de retrouver en parcourant la capitale.
Au
même titre que les airs d'accordéon, les réverbères en fonte, les
fontaines Wallace, les kiosques à journaux et les colonnes Morris,
les autobus parisiens sont un des symboles d'une représentation
fantasmée de la France, bien que réels.
"un tour entre les monuments les monuments les plus réputés de Paris"
"un tour entre les monuments les monuments les plus réputés de Paris"
A
l'exception près que ce symbole - que Paris n'a pas su maintenir -
n'est visible qu'une seule fois par an, quand les double-deckers
londoniens, parfois des décennies après leur mise en service,
continuent leur patient labeur, entourés de la bienveillance dont
l'usager quotidien peut faire preuve face à un compagnon si fidèle
et vaillant dans le fil des jours.
Si
l'action de la RATP et des bénévoles entièrement dévoués à
maintenir un patrimoine peu connu se trouve récompensée le temps
d'un week-end, cela est avant tout dû à l'occasion offerte aux
curieux d'effleurer le Paris des années 30, des années 50 ou des
années 60, le temps d'un tour entre les monuments les plus réputés
de notre pays.
Le
charme de la plate-forme, les trépidations de la caisse, la surface
glacée de la moleskine frappée du logo de la RATP, les odeurs
d'essence et de vieille mécanique chaude (comme on ne peut jamais en
sentir dans aucun musée) font que chacun y trouve son compte, du
nostalgique au petit garçon attiré par les camions.
"la surface glacée de la moleskine..."
La machine donne corps au rêve, et si le rêve n'accompagne pas le passager curieux, la balle est dans le camp de la découverte d'un monde inconnu, et de la belle rencontre inopinée.
"la surface glacée de la moleskine..."
La machine donne corps au rêve, et si le rêve n'accompagne pas le passager curieux, la balle est dans le camp de la découverte d'un monde inconnu, et de la belle rencontre inopinée.
La
mauvaise humeur dont la légende affuble le Parisien était abolie
par ce retour à la simplicité. Prendre un de ces bus revient à se
plonger dans la douceur plus ou moins fantasmée d'un monde disparu.
Cette douceur, enjolivée par les souvenirs des témoins et embellie
par les paroles des anciens, confère un charme indéniable à la
manifestation.
Le
temps d'un trajet, Paris devient un village bienveillant où chacun
se rejoint dans une communauté de souvenirs ou d'impressions
nouvelles.
Le
provincial passionné de vieilles voitures que j'étais a non
seulement découvert une capitale qu'il ne connaissait pas de la
manière la plus charmante qui soit, mais a également fait
connaissance de ces quelques septuagénaires nostalgiques à la
passion si communicative, qui ont fait que pour rien au monde, je ne
raterais cette manifestation dont on ne peut se lasser.
La ligne 58.
Il
est impressionnant de constater la précision, l'érudition qui anime
les passionnés, capables de reconnaître le trajet d'un de ces bus
par son simple numéro, capables de mentionner la plus minime des
caractéristiques techniques d'un véhicule avec une précision
encyclopédique.
Si
cela est connu du monde des amateurs de voitures et de motos
anciennes, aucun ne peut se targuer de connaître les trajets passés
de son véhicule comme ces passionnés le font; exception faite des
véhicules qui ont eu la chance de traverser paisiblement leurs
années de purgatoire dans le garage ou la grange familiale, et qui
ont échu dans les mains du collectionneur dévoué.
En
outre, si l'aspect humain a été primordial dans l'approche de ce
monde exotique, notamment grâce au chauffeur de l'un de ces bus me
donnant le privilège de m'asseoir à ses côtés, c'est aussi la
curiosité technique qui m'a poussé à approcher ces outils
d'autrefois.
Bien
que ces bus aient le privilège d'avoir leurs vieux enfants pour
raconter leur histoire - tandis que beaucoup de voitures sont des
orphelines gardées par un passionné protecteur - il n'en reste pas
moins que l'observation des mécanismes apporte son lot de surprises
et de questionnements.
Mécanismes d'autrefois....
Mécanismes d'autrefois....
Ces
autobus sont aussi le témoignage que les ingénieurs de Louis
Renault nous ont laissé dans la forme muette des pièces mécaniques
: témoignage d'un monde en pleine révolution industrielle, où les
débuts héroïques de l'automobile n'étaient pas si lointains.
L'épaisseur
des tôles, l'absence d'assistance de direction, les volants
surdimensionnés, la position de conduite surélevée sont autant
d'éléments qui poussent au dépaysement et à la mise en question
de l'utilisation
des
véhicules actuels. Les gestes évidents d'aujourd'hui ne l'ont
jamais été, et sont le résultat d'années d'usage, de déconvenues,
de mise au point patiente.
La
découverte des solutions techniques de l'époque, pour qui sait
observer, nous montre à quel point la culture matérielle d'une
société est faite de changements et de permanences, et ce dans le
moindre de ses objets.
Chaque
année, je ne me lasse pas de me rappeler à quel point les années
30, à travers ces témoignages animés, sont faites tant de
modernité que de traditions séculaires.
Penser
au contexte de fabrication de ces bus, c'est penser à la modernité
époustouflante de la firme de Louis Renault, un innovateur que
Schumpeter n'aurait pas renié. Si l'on excepte l'habitacle issu des
voitures à chevaux de la Compagnie Générale des Omnibus, imaginez
que ces bus, de la coulée d'acier jusqu'à à leur mise en service,
n'ont
bénéficié de l'expertise et du savoir-faire que d'une seule
entreprise : Renault.
chassis...
Imaginez
que leurs moteurs, pendant près de quarante ans, ont tenu la dragée
haute dans un des trafics urbains les plus denses.
Imaginez
que ces mêmes moteurs, entre autres raffinements, possèdent des
pompes de refroidissement, démocratisées sur l'ensemble des
véhicules seulement une dizaine d'année après la mise en service
de ces derniers.
Tout
cela pousse à l'admiration, et à la surprise, si l'on considère
malgré tout que le moteur est encore placé là où se trouvait le
cheval au temps des omnibus, et que le chauffeur fait encore office
de cocher, surélevé dans son baquet de tôle exposé à tous les
vents.
Pour
un jeune homme de 23 ans, toutes ces choses confèrent étonnement et
surprise face à ce qui fait et ne fait plus notre quotidien :
des pratiques encore bien vivantes aujourd'hui qui créent le lien
avec les générations précédentes, et des gestes, des modes de
pensée oubliés, qu'une archéologie des transports pourrait faire
revivre rien que par l'observation des mécanismes, que certains
curieux et passionnés pratiquent déjà.
Plaque d'autobus.
Plaque d'autobus.
Pour
cela, et malgré le contexte de plus en plus autophobe de ces
dernières années, il est légitime de louer l'accueil chaleureux du
public face à ces manifestations trop rares, et pourtant dignes
d'intérêt. C'est une occasion de transmettre la flamme de la
passion, avec toute sa chaleur et sa lumière, tant aux générations
présentes qu'à venir, pour ne pas perdre la mémoire d'un passé
qui, inexorablement, s'éloigne de nous, et dont les traces les plus
infimes sont les premières à disparaître.
Thomas
C.
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