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samedi 29 octobre 2022

MAISONS D'ECRIVAINS EN ILE DE FRANCE: LA MAISON DE STEPHANE MALLARME A VULAINES SUR SEINE.

 C'est une agréable visite à faire, sous la houlette d'une jeune guide très sympathique, qui nous replonge dans un décor de la fin du XIXe siècle, aussi bien en ce qui concerne la maison que le jardin, reconstitué dans l'esprit de l'époque. C'est aussi une plongée aussi dans  le contexte littéraire et artistique de cette fin de siècle, tant Mallarmé, lui-même poète majeur, fut un familier des plus importants créateurs de son temps. Et puis s'il fait beau, c'est aussi un merveilleux moment que la visite du jardin /verger, surtout en automne.

                                               DECOUVERTE DE LA MAISON:

On la découvre au 4, quai Stéphane Mallarmé , dans le hameau de Valvins, à Vulaines sur Seine. Elle n'est séparée de la Seine que par le quai.

Elle est surplombée par un grand marronnier, cher au poète, comme tout le reste du jardin, qui le préoccupait beaucoup. 

Un petit panneau sous le marronnier montre bien qu'il avait de l'importance pour Mallarmé.
(on peut agrandir l'image en cliquant dessus).

Les visiteurs rejoignent bientôt  Lou, la guide, qui commence à leur donner quelques explications.

La façade côté Seine.
Elle est pleine de charme avec son décor végétal à l'ancienne. Déjà nous voyageons dans le temps.
Mallarmé  découvre en 1874 cette maison , une ancienne auberge de bateliers.Il est séduit par "la petite maison au bord de l'eau" et il en louera plusieurs pièces où il passera les étés avec sa femme Marie, une ancienne gouvernante, et ses 2 enfants Geneviève et Anatole (ce dernier mourra prématurément  en 1879 à l'âge de 8 ans) . Il a alors 32 ans, vit à Paris avec sa famille depuis 3 ans; il est professeur d'anglais (un travail alimentaire qui ne le motive guère). Il est dans une période de  creux artistique. Quand il prendra sa retraite anticipée en 1893, il louera plus de pièces et séjournera ici plus longuement, d'avril à octobre.C'est ici qu'il vivra les meilleurs moments de son existence.

C'est aussi dans cette maison qu'il mourra en 1898 comme l'indique la plaque apposée sur la façade. Il n'a que 56 ans.

A droite de la façade grimpe un escalier: celui que Mallarmé prenait pour accéder à ses appartements.

LA VISITE INTERIEURE:
Notre voyage dans le temps s'est poursuivi avec la visite de la maison.
Elle nous fait entrer dans l'intimité du poète: son décor familier a été sauvegardé , certains meubles viennent parfois de son logement parisien. On fait la connaissance de sa famille, à travers notamment de nombreux portraits. Des tableaux d'artistes amis, certains objets ou documents font référence à ses oeuvres , ou  sont l'occasion d'évoquer le milieu littéraire et artistique de l'époque, car Mallarmé y avait beaucoup d'amis. Edouard Manet d'abord, qui illustra certaines de ses oeuvres, Berthe Morizot, Degas, Renoir, Claude MonetPlus tard James Whistler, un proche,  les nabis Pierre Bonnard, Maurice Denis, Edouard Vuillard. Puis de jeunes poètes , admirateurs de celui qui était devenu le chef de file du symbolisme, comme Paul Valéry.

On pénètre d'abord dans une première piéce "de présentation", où s'affichent notamment les grandes étapes de la vie et de la carrière de Mallarmé. Puis on passera aux pièces habitées par la famille.

Portrait de Mallarmé par Nadar.
Sur ses épaules , un cadeau de Méry Laurent, muse de Manet - qui sera aussi un peu sa muse.

Mallarmé (1842-1898) écrivit ses premiers poèmes à 15 ans. Il connut une première période de fécondité littéraire dans les années 1863-1866 (il écrivit notamment Brise Marine et L'après midi d'un faune ), mais ses poèmes ne furent longtemps connus que par une petite élite. C'est après 1871, quand il est muté comme professeur à Paris, qu'il commence à fréquenter le milieu littéraire et artistique parisien : il s'y fera de nombreux amis. En 1884, l'ouvrage de Verlaine "Les Poètes maudits" le fait un peu plus connaître.Mallarmé était quelqu'un d'accueillant, d'accessible à tous. Dans les années 80, les "Mardis de Mallarmé" réunissent dans son appartement parisien de la rue de Rome écrivains et artistes. Il fera figure progressivement de chef de file du symbolisme, n'hésitant pas à créer une poésie parfois absconse. En déconstruisant les codes de la poésie (renonciation aux systèmes de strophes par exemple)  il va influencer de nombreux poètes par  la suite.

Nous allons maintenant évoquer quelques éléments de la visite:

Hina.

Te Fatu.
Photos de Claude Poirson.

Cette sculpture réalisée par Gauguin est l'occasion d'évoquer l'amitié de Mallarmé avec l' artiste. Elle a été réalisée par celui-ci lors d'un premier séjour à Tahiti. Il en fit cadeau au poète. Deux divinités de la mythologie polynésienne y sont figurées Te Fatu et Hina assimilables au faune et à la nymphe  du poème de Mallarmé L'Après midi d'un faune. Ce cadeau est donc un hommage à l'oeuvre du poète. Mallarmé aidera Gauguin à vendre ses tableaux. 


On peut voir aussi au musée un portrait de Mallarmé par Gauguin.

Le long poème (110 vers) de Mallarmé, L'Après midi d'un faune, est évoqué par ce tableau, qui reprend le sujet.

Photo: Claude Poirson.
Il est du peintre nabi Ker Xavier ROUSSEL.
Manet, grand ami de Mallarmé, illustra L'après midi d'un faune. On sait que le poème inspira Debussy (Prélude à l'après midi d'un faune) , et plus tard Nijinski qui en fit un ballet.


Photo: Claude Poirson.
Mallarmé aimait écrire des vers sur des éventails pour les femmes qu'il aimait. Ici c'est un véritable poème dédié à sa fille Geneviève qui s'y déploie.

Sur cet éventail ci le poème est plus succinct.
Photo: Claude Poirson
Cliquer sur l'image pour l'agrandir.

La guide évoque ici la peintre Berthe Morizot, grande amie de Mallarmé. Elle vint souvent à Valvins. Mallarmé deviendra le tuteur de sa fille Julie Manet ( nièce de Manet) à la mort de ses parents.
A droite, une robe de l'époque (2e moitié du XIXe s).

On passe ensuite dans les pièces habitées par la famille, et d'abord dans la "chambre de Mesdames Mallarmé" , Marie et Geneviève.



On y découvre par exemple que le peintre Degas s'intéressait à la photographie, avec ce double portrait de Renoir et Mallarmé. Et aussi la proximité du poète avec les Impressionnistes.

Photo: ClaudePoirson.
Ici un petit tableau de Julie Manet représentant Geneviève brodant au jardin.

On découvre ensuite la salle à manger: 

Photo: Michelle Lebedel.
On y trouve la table des "mardis de Mallarmé" rapportée de l'appartement de la rue de Rome; au centre de celle-ci, le pot à tabac où les invités puisaient. Mallarmé était un fumeur de pipe.

On accède ensuite au cabinet japonais reconstitué.

Photo: Dominique Michel.
C'est dans  ce remarquable meuble que Mallarmé rangeait ses poèmes .Il demanda à ce qu'on brûle après sa mort ce qui y était contenu, ne voulant pas que soient publiées des ébauches inachevées.

On passe ensuite dans la chambre de Mallarmé:


On passe ensuite dans une partie de la maison que Mallarmé n'a pas connue, et qui fut occupée quand sa fille Geneviève acheta la maison en 1902 avec son mari Edmond Bonnot.

Photo: Dominique Michel.
La chambre de Geneviève.

Dans cette partie de la maison on découvre un piano où joua par exemple Maurice Ravel.

Photo: Claude Poirson
Ici une curiosité: une lanterne magique de 1885. Elle projetait des images peintes sur des plaques de verre. Julie Manet en avait peint plusieurs.

Coup d'oeil enfin à la bibliothèque de Mallarmé que l'on découvre au rez de chaussée:

Photo: Dominique Michel

Berthe Morizot, Seurat, Vuillard et Nadar seront souvent les hôtes de Mallarmé à Valvins.

    Les héritiers de la famille conservèrent la maison jusqu'en 1985, date à laquelle elle est acquise par le département de Seine et Marne. Le musée fut ouvert en 1992.

Photo: Claude Poirson.
Portrait de Mallarmé par WHISTLER, autre grand ami du poète, connu en 1888 par l'intermédiaire de Monet.

* Allez, un  poème dont tout le monde connaît au moins le premier vers!

BRISE MARINE.

La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !

Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots …
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !

Stéphane Mallarmé, Vers et Prose, 1893

Poème écrit dans les années 63-66.


                                         DECOUVERTE DU JARDIN:
Le visiteur poursuit son voyage dans le temps dans ce délicieux jardin , reconstitué par un paysagiste dans l'esprit de la fin du XIXe siècle. Ce jardin est aussi un verger, qui produit des fruits en abondance. Les visiteursau automne n'ont qu'à se baisser pour les ramasser, encouragé(e)es par la guide. On fournit même un sac pour emporter sa récolte!

 Mallarmé était un adepte fervent du jardinage. De nombreux extraits de ses lettres affichés ici et là en attestent!

La maison vue du jardin.



Le verger.
Il comporte de nombreux pommiers, et aussi un cognassier.

 
Des pommes au sol en abondance à cette saison tentent le visiteur.

Photo: Michèle Lebedel.
Elles donnent envie!


Le charme de l'automne en plus !





Ce petit montage  montre à quel point Mallarmé se souciait de son jardin:

Montage: Michèle Lebedel.
Cliquer sur l'image pour l'agrandir.

Cerise sur le gâteau, les visiteurs peuvent s'attarder à loisir dans ce jardin, bien agréable quand il fait beau. Des sièges y sont installés à dessein...



UN COUP D'OEIL AUX BORDS DE SEINE.
A l'époque de Mallarmé, la Seine n'était pas cachée au regard par des arbres comme maintenant. Le poète et sa famille avaient vue sur la Seine. 

Ce panneau en bord de Seine rappelle que Mallarmé avait la passion du canotage sur la Seine. Il avait aussi un petit voilier à lui.
Cliquer sur l'image pour l'agrandir.

 Presqu' en face de la maison, derrière la terrasse d'un restaurant, une ouverture dans le rideau d'arbres offre une vue sur la Seine.

Les couleurs de l'automne commencent à teinter les arbres de la berge.

Charmante terrasse de restaurant avec vue sur la Seine..
Le restaurant s'appelle: " L'Anneau de Mallarmé"... 
sûrement celui où il attachait son bateau.

Un peu après le restaurant, une autre ouverture vers la Seine.

Il faut aller un peu plus loin pour que la vue s'élargisse.

Photos: Claude Poirson, Michèle Lebedel, Dominique Michel, JM Sattonnay.











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