Pourquoi Mme de Flahaut?
Le nouveau cycle de conférences du château du Marais a débuté dimanche 7 juin par un exposé, illustré de documents d'époque projetés, autour de la figure de Mme de Flahaut. La fluidité du discours du conférencier, que seule pouvait permettre un connaissance intime du sujet, a fait ressurgir insensiblement dans le grand salon du château tout un monde d'autrefois, méconnu du grand public : car si l'on connaît en général les premiers rôles, rois ou empereur, on ne sait pas grand chose de leur entourage immédiat. Or Mme de Flahaut était une figure de ce monde là, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle , intéressante en elle-même par son rôle, et par sa qualité de romancière, mais aussi en tant que représentante de cette société disparue.
Richard FLAHAUT pendant sa conférence, le 7 juin.
Mais une autre raison justifiait que son cas soit évoqué au Marais, dans le château de descendants de la famille Talleyrand : elle eut un enfant de Talleyrand, et plus tard un petit -fils, dont elle prendrait soin, et qui allait devenir un homme politique de premier plan. On ne s'étonnera pas que Richard Flahaut, notre conférencier, membre au demeurant de l'association des Amis de Talleyrand, se soit intéressé de près au sujet: il descend lui-même de la famille à laquelle , par son mariage, Adelaïde Filleul allait associer son destin , une des plus anciennes familles de la noblesse de France.
Une figure du monde privilégié d'autrefois.
Adélaïde-Marie-Emilie FILLEUL naît en 1761 à Paris dans un milieu déjà privilégié, un milieu de fermiers généraux : sa mère, née du Buisson de Longpré, dont on dit qu'elle aurait été une des maîtresses de Louis XV, a épousé un bourgeois du nom de Filleul, qui aura la charge importante de fournisseur aux vivres, mais mourra tôt. Devenue veuve, Mme Filleul aura bientôt un protecteur, en la personne du fermier général Bouret, un des hommes les plus riches de France. Il possède par exemple à Paris de nombreux terrains où l'on verra s'élever peu à peu beaucoup des beaux hôtels particuliers de la capitale. Mais la petite Adélaïde perd sa mère prématurément, alors qu'elle est âgée de 6 ans. C'est sa sœur aînée Julie, dont on dit qu'elle est la fille naturelle de Louis XV, qui va alors la reconnaître et l'élever. La famille a d'autant plus ses entrées à la cour que Julie Filleul épouse le marquis de Marigny, le frère de la Pompadour. Entre 6 et 16 ans, la jeune Adélaïde, comme toutes les jeunes filles de bonne famille, est éduquée au couvent, chez les bénédictines du faubourg Saint-Honoré. Elle passe ses vacances au château de Ménars, qui appartient à Marigny. Adolescente, elle pourra profiter des plaisirs de la vie parisienne, aller à l'opéra ... Sa sœur Julie se séparera de
Mme de Flahaut
Marigny, aura une liaison avec le cardinal de Rohan , se remariera. Et à 17 ans, Adelaïde sera "casée" à son tour : elle épouse Charles-François de Flahaut, descendant d'une des meilleures familles de France, qui a 36 ans de plus qu'elle... Il a un frère capitaine des gardes du Roi à Versailles, un autre ministre, précisément surintendant des bâtiments de France . Une fois encore, on est dans les cercles du pouvoir.
Le château de Menars, dans le Loir et Cher.
C'est à ce moment qu'un certain Talleyrand met le pied dans son salon. Mais nous y reviendrons.
Les hauts et les bas d'une femme d'influence.
A l'approche de la Révolution, Mme de Flahaut se mêle de politique: elle imaginera même un gouvernement qui compterait parmi ses membres Talleyrand et Mirabeau pour sauver la monarchie, en la rendant constitutionnelle. Cela n'aboutira pas.
La période révolutionnaire est bien sûr une épreuve: les pensions sont supprimées , Mme de Flahaut dont le mari a gagné Boulogne n'a plus de ressources. Après avoir "chipé" des passeports avec la complicité d'un fonctionnaire, elle gagne la Suisse, où elle retrouve le futur Louis-Philippe et son épouse Marie-Adélaïde. Elle aurait eu à ce moment-là une liaison de quelques mois avec le futur roi des français...Toujours est-il qu'ils gagnent l'Angleterre tous ensemble grâce à une somme d'argent envoyée de Paris par un ami d'Adéläïde.
Dans le grand salon du château du Marais...
Et la voici obligée, à Londres, de gagner sa vie: elle ouvre une boutique de marchande de modes, confectionne des chapeaux! Il paraît que ce fut un recours courant chez les aristocrates exilées !
C'est à ce moment qu'elle commence à écrire : sa première œuvre, Adèle de Sénange, un roman par lettres qui s'inspire de sa propre vie, plaît, ce qui renfloue ses finances.
Elle apprend alors que son mari a été guillotiné à Arras, compromis à tort dans une affaire de trafic de faux assignats.
Après un passage à Hambourg, où vit une importante communauté française, elle rentre à Paris avec un faux passeport. Son amitié avec Joséphine de Beauharnais va lui permettre d'y rester. Elle épouse en 2es noces un aristocrate portugais, José Maria de Souza, ambassadeur à Paris et homme de Lettres (il fera connaître la littérature portugaise en France). A partir de là, elle écrit un roman tous les deux ans, huit en tout. Sa proximité avec Joséphine de Beauharnais la relance dans les cercles du pouvoir, celui de Napoléon, d'autant que Talleyrand est un homme-clé de la période.
Mme de FLAHAUT et TALLEYRAND.
C'est donc en 1783 que Talleyrand pénètre pour la première fois dans le salon de Mme de Flahaut , au Louvre. Commence alors une liaison fidèle qui durera sept ans. Un fils leur naît en 1785, que M.de Flahaut acceptera et à qui il donnera son nom : il est prénommé Charles. Talleyrand ces années -là sera un père très présent auprès de son fils naturel.
Les choses se gâteront entre les amants quand Talleyrand se rapprochera de Mme de Staël, qu'Adélaïde verra comme une rivale en amour... et en littérature. Une rivale, sur ce dernier point, à égaler voire à surpasser.
Mme de Flahaut et son fils Charles, par Mme Labille-Guiard.
La famille est reçue à la Malmaison, et le jeune Charles est très ami avec Eugène de Beauharnais. Et voici qu'Hortense, sœur du précédent, a une aventure avec lui en 1809-1810. Hortense tombe enceinte, on l'envoie en Italie pour dissimuler l'affaire, mais elle accouchera en Suisse d'un fils prénommé Charles-Auguste qu'on attribuera à un valet nommé Demorny. Mais qui va recueillir l'enfant et l'élever? Mme de Flahaut, folle de bonheur!
Charles de Flahaut.
Charles de Flahaut, le fils de Talleyrand et de Mme de Flahaut, restera fidèle jusqu'au bout à Napoléon, allant à sa rencontre à son retour de l'île d'Elbe, veillant sur lui à Waterloo. Ce qui lui vaudra la nécessité de s'exiler à Londres après la chute de l'Empire, protégé de loin par Talleyrand. Il y épousera une riche héritière anglaise , Margaret Mercer Elphinstone, fille de l'amiral Keith. Il pourra revenir avec sa femme à Paris après 1830, à l'avènement de Louis-Philippe. Ils deviendront des familiers de la cour.
Installée dès 1822 dans un appartement de la rue Saint-Florentin, Mme de Flahaut, devenue Mme de Souza, y rouvrira un salon. Elle perdra son second mari en 1825 et déménagera rue Saint-Honoré. Elle meurt en 1836 et est enterrée au Père Lachaise près de JM De Souza dont la dépouille sera rapatriée dans le château familial de Mateus en 1964.
Le duc de Morny, petit-fils de Talleyrand et de Mme de Flahaut, demi-frère de Napoléon III.
Quant au petit-fils de Talleyrand et de Mme de Flahaut , Charles-Auguste Demorny, il devint le fameux duc de Morny, un homme politique de premier plan à l'ombre de son demi-frère Napoléon III (puisqu'Hortense ,leur mère, était mariée à Louis Bonaparte, frère de l'Empereur). Il sera par exemple ministre de l'Intérieur de 1851 à 1852; il mourra en 1864.
JMS
* PROCHAINE CONFERENCE AU CHATEAU DU MARAIS LE 28 JUIN à 15h :
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