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mardi 7 novembre 2017

LE HUREPOIX EXISTE, LES FRERES SEIGNOLLE L'ONT RENCONTRE...

Dans son ouvrage "Régions naturelles et noms de pays", consacré à l'Ile de France, et paru en 1908, Lucien Gallois n'était pas loin de penser que le Hurepoix était une pure invention des géographes des XVIIe et  XVIIIe siècles. En 1937, Claude et Jacques Seignolle, forts d'une enquête approfondie sur le terrain, s'inscrivent en faux contre le point de vue  de Gallois dans leur ouvrage "Le folklore du Hurepoix".


La carte du Hurepoix établie par les frères Seignolle.

L'authenticité du Hurepoix comme "pays de l'Ile de France" mise en doute:
S'attachant à l'étude des "pays" de l'Ile de France , Lucien Gallois consacre son premier chapitre au Hurepoix. Cette contrée, du moins telle qu'elle est définie par les cartographes du XVIIe et du XVIII e siècles, ne lui semble pas remplir les critères qui pourraient permettre d'affirmer que le Hurepoix est un "pays" de l'Ile de France; pour lui un "pays" doit être une région naturelle, et être "populaire", c'est à dire connu de ses habitants. Concernant le premier point, s'il admet que pour les géographes, la contrée a une certaine spécificité  sur le plan de sa structure générale (un plateau prolongeant la Beauce, creusé par des vallées de rivières convergeant vers la Seine) et sur le plan géologique, il trouve que la diversité des paysages qu'on y trouve empêche de parler de "région naturelle" : "Entre
le plateau agricole qui s'étend immédiatement aux portes de Paris (...) et les hauteurs boisées qui dominent Sceaux, Sèvres et Versailles, qu'y a -t- il de commun?" allègue-t-il par exemple.

Les "pays" de l'Ile de France - En bas à droite le Gâtinais (avec Fontainebleau).Les cartes les plus reconnues aujourd'hui incluent aussi Dampierre et la haute vallée de Chevreuse dans le Hurepoix.

Sur le second point, il est tout aussi sceptique: "Je n'ai trouvé le nom de Hurepoix connu des habitants, et encore pas de tous, qu'à Dourdan et au voisinage" écrit-il. Et encore attribue-t-il cette notoriété au fait que nombre d' écrits historiques ont décrété, à tort selon lui, que Dourdan était la capitale du Hurepoix, et que cela a été  répandu localement. Notons au passage que selon lui, le Hurepoix n'ayant jamais été une division administrative ne peut avoir de capitale... Sur ce dernier point, on ne peut que lui donner raison. Le mot Hurepoix apparaît  ce pendant accolé dans la région au nom de deux villes , Marolles et Limours : "Personne n'y peut dire ce qu'est au juste le Hurepoix, sinon qu'il doit exister quelque part" observe-t-il.

La localisation erratique du Hurepoix avant le XVIIIe siècle:
Passant en revue différents textes  et cartes d'avant le XVIIIe siècle mentionnant le Hurepoix, Lucien Gallois met en évidence les contradictions et variations qu'ils recèlent quant à la localisation de la contrée qui nous occupe.. Telles cartes du XVIe et XVIIe siècles situent le Hurepoix au sud du Gâtinais, du côté de Nemours et Montargis, telle autre, du XVIIe, sur la rive droite de la Loire entre Gien et Cosne... Tel texte du XVIe également  parle d'un terroir situé entre Meaux et Jouarre. Un autre parle de deux Hurepoix séparés par le Gâtinais, le sud ouest de Paris, qui selon certains engloberait la vallée du Loing, et la zone allant de Montargis à Courtenay. Au XVIIe les avis divergent encore, certains  mettent dans le Hurepoix Montfort l'Amaury et jusqu'à Epernon.
Pour Lucien Gallois, c'est dans le souci de mettre un peu d'ordre dans tout ça que les cartographes du XVIIe ont fini par définitivement localiser le Hurepoix (arbitrairement?) au sud ouest de Paris.
  Sur cette carte ancienne (cliquer dessus pour l'agrandir), l'Ile de France est ce qui est au nord est de la Seine, et le Hurepoix ce qui est au sud ouest.

Une survivance d'un territoire plus étendu au Moyen-Age:
Lucien Gallois cite enfin une théorie selon laquelle le Hurepoix désignait à l'origine un territoire plus étendu, l'ancienne Neustrie, pays compris entre la Seine et la Loire. "Il s'opposait à la France, située au nord de la Loire" indique-t-il.
Dans la chanson des Saxons, une chanson de geste du XIII e siècle, il est question des puissants "barons du Hurepoix"ou "barons herupois" qui résistent aux prétentions de Charlemagne. Et il y est dit que" la Hérupe s'étendait du Mont Saint Michel à Château Landon"!


  Dans le Larousse universel de 1960, il est rappelé que le Hurepoix désignait autrefois un territoire compris entre la Seine et la Loire...

Finalement, la thèse de Gallois serait que le Hurepoix tel qu'il s'est maintenu d'abord entre Seine et Loire, n'est en fait qu'"une survivance du plus grand Hurepoix des chansons de geste". Et le nom Hurepoix n'y aurait survécu que parce qu'il n'était pas en concurrence avec un nom de pays plus populaire comme Beauce ou Perche. Il s'est maintenu assez longtemps à l'est du Loing, et ce sont les cartographes du XVIIe et XVIIIe qui auraient décidé de réserver ce nom uniquement à la région située au sud ouest de Paris.

Le Hurepoix, simple invention des cartographes? Les frères Seignolle réfutent cette thèse.
Claude et Jacques Seignolles, préparant un ouvrage sur le folklore du Hurepoix, ont parcouru en 1935 et 1936 la région à vélo, et on demandé aux habitants "Etes-vous du Hurepoix? Sommes-nous ici dans le Hurepoix? Savez-vous où commence et où finit le Hurepoix?".
Pour eux, "c'est la disposition hydrographique qui caractérise le Hurepoix". Et qu'ont-ils constaté au terme de leur enquête sur le terrain? Que "l'aspect esthétique du paysage correspond  à l'impression populaire".
Lucien Gallois avait-il fait une enquête suffisante sur le terrain, lui qui prétendait que le nom Hurepoix était très peu connu de la population ?



La carte de 1754  qui présente les limites définitives du Hurepoix de la Seine au nord d'Etampes.
                                                       Cliquer dessus pour l'agrandir.

Qu'ont ils constaté, eux, au contraire, en interrogeant sur place des habitants dont l'arbre généalogique avait des racines profondes dans la région? Que le nom de leur région, Hurepoix , était très bien connu d'eux. Et ceux-ci n'ont pas pu être influencés par les cartographes anciens. "Ces populations ignorent les cartographes anciens et n'apprennent pas  le nom de leur pays dans les manuels scolaires".
Certes, le Hurepoix d'aujourd'hui est sans doute une survivance d'une région plus étendue au sud de la Seine.
Mais il n'empêche que le sentiment d'appartenance au Hurepoix était suffisamment fort en 1935- 36 pour qu'on puisse reconnaître une certaine authenticité à ce "pays" de l'Ile de France.

JMS

                                               LE HUREPOIX VU PAR PEGUY:

Nous arrivons vers vous du noble Hurepoix
C’est un commencement de Beauce à notre usage,
Des fermes et des champs taillés à votre image,
Mais coupés plus souvent par des rideaux de bois

Et coupés plus souvent par de creuses vallées
Pour l’Yvette et la Bièvre et leurs accroissements,
Et leurs savants détours et leurs dégagements.
Et par les beaux châteaux et leurs longues allées.         (C. Péguy)

les beaux châteaux et leurs longues allées.  C. Peguy
Parc du château de Jeurre.
                                             

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