correspondant agoravox

dimanche 13 juillet 2014

QUAND DAUDET CHANTAIT... la SEINE ET OISE (L 'ESSONNE aujourdhui).!


De la Provence à la Seine et Oise.

Pour les anciens écoliers que nous sommes tous , le nom d'Alphonse Daudet est indéfectiblement lié à la Provence , cadre des Lettres de mon moulin ou des aventures de Tartarin de Tarascon. Daudet pour nous est donc un des chantres du sud de la France.
Bien sûr , on n'est pas sans savoir qu'il a par la suite écrit plusieurs romans , à commencer par le petit Chose , très autobiographique, qui nous fait déjà quitter le sud.
Mais ce qu'on ne sait pas en général , c'est que Daudet a chanté aussi... la Seine et Oise ! (aujourd'hui l'Essonne).
En effet , Alphonse Daudet avait choisi pour ses villégiatures en famille, l'été, un coin d'Ile-de France situé à l'époque dans ce département , aujourd'hui en Essonne : le hameau de Champrosay , à Draveil,  limité au nord par la forêt de Sénart et au sud par la Seine . Et il en fait le cadre de  son dernier roman , intitulé La petite paroisse . Il y restitue la vie du hameau à la fin du XIXe siècle , y fait revivre les personnages qui l'animaient , et qu'il regardait passer de sa fenêtre sur la route de Corbeil . Il va même jusqu'à évoquer des personnes réelles du quartier à l'époque. La fenêtre de sa dernière demeure estivale notamment , qui existe encore aujourd'hui au 33 de ce qui est devenu la rue Alphonse Daudet. (Ci-contre : portrait d'Alphonse Daudet)

La petite paroisse , un drame de la jalousie .

Le dernier roman de Daudet , sous titré "moeurs conjugales", paraît en 1895. Son sujet , comme l'indique la citation qui figure sous cette dernière mention ( "Jaloux n'a paix ne soir ne mâtinée ") , est la jalousie.

L'intrigue imaginée par l'écrivain est la suivante : Richard Fénigan vit avec sa mère , une mère plutôt possessive, dans un château situé aux Uzelles (nom de substitution de Champrosay)  , au bord de la route de Corbeil. Jusqu'au jour où son regard se pose sur Lydie , une des protégées des religieuses qui gèrent l'orphelinat de Soisy , la ville voisine , dont on apprend qu'elle a été abandonnée à sa naissance devant la porte des sœurs . Mme Fénigan  - ô surprise ! - encourage l'idylle ; elle pense en effet pouvoir , en cas de mariage, garder le contrôle de la maisonnée avec une "recrue" de si faible origine," sans dot et sans famille". Le mariage se fait. Lydie ne tarde pas à souffrir de l'autoritarisme de Mme Fénigan , que son fils n'ose pas contrarier : elle se voit ainsi supprimer son voyage de noces , considéré comme superflu , ou encore dans l'impossibilité de sortir un peu à Paris. Lydie, qui rêve de voyages et de découvertes, se sent quelque peu frustrée , et cloîtrée...Bientôt les Fenigan sont amenés à fréquenter les châtelains de Grosbourg ( un domaine tout proche ) le général duc d'Alcantara et son épouse , dont le fils Charlexis, prince d'Olmutz ,un lycéen de 17 ans , devient peu à peu un familier des Fénigan. Ce "joli blondin imberbe et rose" dont on ne se méfie pas est en fait un séducteur aussi précoce que cynique , et bientôt une liaison clandestine se noue entre Lydie et lui. Et puis un jour , Lydie n'est plus là , le joli blondin l'a enlevée ; on apprend qu'ils naviguent dans son yatch du côté de Monaco. Richard , mari bafoué , souffre : parviendra-t-il à oublier l'épouse volage? Mme Fénigan , pour l'y aider , fait venir de Bretagne une jolie cousine , aux charmes de laquelle il semble se montrer sensible. Mais non, Richard retombe dans ses tourments, ne pense bientôt plus qu'à sa vengeance , entreprend de provoquer le blondin  en duel ... Rebondissements divers , renversements de situations , quiproquos dramatiques attendent ensuite le lecteur...Richard , jusqu'au dernier moment , alors même que le bonheur redevient possible pour lui, sera rongé par une jalousie qui peut tout compromettre  ...

La petite paroisse , le roman de Champrosay.

Mais le roman vaut aussi , et peut-être surtout , par le tableau qu'il brosse de la vie dans ce petit coin de Seine et Oise à la fin du XIXe siècle . Car cette intrigue hautement romanesque , il la situe dans le cadre réel de ce hameau de Draveil , qu'il connaît bien puisqu'il l'a habité tous les étés pendant 30 ans.
Si le nom de Champrosay curieusement n'est pas prononcé (remplacé par Les Uzelles) , tous les autres noms de lieux inscrivent bien le roman dans la région : Draveil , Soisy , Ris, Juvisy, Corbeil , la forêt de Sénart, la Seine "entre l'écluse d 'Evry et celle d'Athis" , Mérogis et son château , Villeneuve Saint Georges ou encore "la plaine de Courcouronne" forment principalement  le décor de l'histoire.
Le "château" des Fénigan , dont les fenêtres donnent sur la route de Corbeil , semble être à l'emplacement  de la maison que Daudet avait acquise et où il séjournait avec son épouse Julia et ses enfants les dernières années. Il va jusqu'à faire de " l'isba" , petite construction installée dans sa propriété , et qui lui servait de cabinet de travail, le lieu des retrouvailles clandestines de Lydie et Charlexis  !
 
La maison d'Alphonse Daudet à Champrosay.

Quant à la petite paroisse , qui donne son nom au roman, c'est celle qui est liée à la chapelle Sainte Hélène , dite "chapelle du bon cocu", toute proche de la maison de Daudet : elle avait été élevée par un certain Napoléon Quantinet (qui devient Mérivet dans le livre)  en souvenir de sa femme volage à qui il avait pardonné , mais qui , revenue à lui, était morte prématurément. La chapelle existe toujours , comme l'inscription dédicatoire. Plusieurs scènes du roman s'y déroulent , et un chapitre entier est consacré au récit fait à Richard  par Napoléon MERIVET  de son histoire. Lequel personnage va jouer un rôle actif dans la fiction comme ami et conseiller du héros. Le desservant de l'église , l'abbé Cérès a pour modèle l'abbé Reure de l'époque.

Une célébration de ce coin de Seine et Oise.

On peut parler par exemple d'une véritable célébration , dans ce livre , de la route de Corbeil ,"poudreuse" à l'époque , à travers le regard de Richard enfant solitaire qui trompe son ennui en observant de sa fenêtre le spectacle qui s'y déroule , comme d'ailleurs Lydie depuis son orphelinat - et comme Daudet lui-même , notamment à la fin de sa vie , tandis que la maladie le taraude. La route de Corbeil ,"avec son passage de charrettes, de voitures, d'hommes et de bêtes , routiers , bergers , maraîchers , camelots " égaie l'enfant. La plume de Daudet fait ainsi vivre - et revivre pour le lecteur d'aujourd'hui - toutes les scènes de la rue à l'époque , par exemple le défilé des pauvres en quête de "deux sous et d'un chiffon de pain", le passage d'une noce "à la mode de l'ancienne France" , ou  encore, les jours de marché à Corbeil, "de grands troupeaux de bœufs , des roulottes de forains"...
Richard et Lydie se rappellent "la brouette du cantonnier , le petit bossu marchand de chaussures " ou "le Turc en fourrures rapées passant tous les automnes avec son ours" , ou encore "la charrette à Foucart où l'on transportait les noyés sous une serpillère". Plus loin, il est question des "charretiers de la ferme rentrant de baigner leurs chevaux"; au fil du texte , d'autres personnages du quartier à

 
Scène de la vie quotidienne à Champrosay à la fin du XIX e siècle.

l'époque sont  "croqués" , comme les laveuses qui ne perdent rien des conversations , la boulangère  qui se penche sous l'auvent de sa voiture, ou "le garçon boucher à cheval, un grand panier de viande en travers de son tablier blanc". Certains personnages secondaires du roman représentent divers "rôles sociaux" du hameau : ainsi Chuchin , le garde pêche , à la "figure boucanée , plus ridée que la rivière par un vent d'est"; Sautecoeur , dit L'Indien ," vieux forestier géant , redouté du braconnage"; M.Alexandre , ancien majordome de Grosbourg, "très chic , souliers vernis, pantalon clair"; le père Georges, un vagabond, "avec sa longue trique, un morceau de pain sous le bras"; le brave abbé Cérès, le curé de la chapelle Sainte-Hélène (Sainte Irène dans le roman) ; Delcrous, le juge d'instruction ...
Les loisirs du héros, Richard , sont ceux du quartier , ceux de Daudet lui-même pendant ses séjours ,comme  la pêche "aux verveux" en bord de Seine ; et notre écrivain évoque en connaisseur l'atmosphère des lieux, par exemple un matin de juillet "embrasé et lourd": "la rivière fumait immobile et silencieuse (...).Cette buée chaude aiguisait (...) l'âpre senteur des plantes d'eau, la saveur fade des cantharides en taches d'émeraude sur les frênes". On va pêcher en barque à l'île aux Moineaux "merveilleux endroit pour jeter l'épervier"; Richard , comme Daudet , est également un grand chasseur , dans la forêt de Sénart toute proche. On retrouve dans ces portraits et évocations le meilleur Daudet...

JMS

* VOIR AUSSI NOTRE ARTICLE : SUR LES PAS DE DAUDET à CHAMPROSAY.
http://jmsattoblogazettedesulis.blogspot.com/2014/04/sur-les-pas-dalphonse-daudet-champrosay.html

Il est possible de visiter la maison de Daudet à Champrosay , gérée par une association.
Pour tous renseignements ,voir le site: www.maison-alphonse-daudet.com
adresse mail : maison.daudet@laposte.net 
On peut aussi s'y procurer le roman.
* Mais on peut aussi se procurer le roman tout simplement sur AMAZON , ou chez son libraire  si on préfère .







1 commentaire:

  1. Merci à "squareroots" pour le fâcheux lapsus qu'il nous a signalé (corrigé).Merci aussi pour ses encouragements : "J'en profite pour vous remercier de nous faire régulièrement découvrir ou re-découvrir par le biais de votre blog et de vos superbes photos le riche patrimoine historique de notre environnement.

    Bien cordialement". GP

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