Ma première réaction à l’annonce de ce projet:l’irritation.Encore un ministre qui sort brusquement de son chapeau une réforme incongrue,qui paraît ne répondre à aucune nécessité sinon au désir de tout ministre de l’Education nationale de “marquer”son passage au ministère!
Et qu’est-ce c’est que cette idée d’imposer du sport tous les après midis aux élèves?Et si par exemple ils n’aiment pas cela?
Et puis les medias finissent par nous en apprendre plus:une centaine d’établissements vont-déjà-à cette rentrée expérimenter ce système,1700 élèves sont concernés…Et il ne s’agirait pas seulement de sport:les élèves pourraient aussi choisir entre diverses activités cantonnées jusqu’ici dans la sphère extrascolaire (dans le cadre des foyers socio-éducatifs par exemple,qui fonctionnent en général peu car s’ajoutant à de longues journées de travail):journalisme,théâtre,atelier cinéma ,secourisme …etc…On solliciterait aussi les compétences d’animateurs locaux afin d’élargir le choix…
J’aime mieux cela!
Il se pourrait bien alors que ce projet vienne de loin,qu’il soit lié à toute une réflexion sur l’école depuis 30 ans,et ne constitue qu’un nouveau levier,particulièrement puissant,actionné pour enfin changer un système scolaire régulièrement mis en cause sans que rien-ou si peu-ne se passe!
Un système qui reste largement élitiste,par exemple au collège:tous les élèves,quelles que soient leurs capacités,leur milieu social,obligés de suivre le programme tous au même rythme,dans le cadre de la classe traditionnelle,avec ce que cela entraîne d’échec douloureusement vécu,d’humiliation chronique,et finalement de dégoût et de rejet de l’institution scolaire,une vraie violence permanente faite à bien des élèves aboutissant à une sélection par l’échec peu motivante…on ne sera pas étonné que cela puisse en retour engendrer une autre violence,sociale cette fois!
Oh je sais,des efforts ont été faits ici et là pour prendre en compte les différences entre les élèves:groupes de niveaux,groupes de besoin,soutiens…Processus pas toujours bien vécus par les élèves concernés,ce qui n’a fait que renforcer le système.Qui osera affirmer qu’il a globalement véritablement changé?
Si bien sûr il faut continuer à prendre en compte les différences entre les élèves,de toujours chercher les moyens de les “tirer vers le haut” sur le plan strictement scolaire,c’est sûrement une bonne chose à mon sens de donner à chacun dans le cadre de l’école d’autres possibilités d’épanouissement.L’institution scolaire,trop rationaliste,est loin de prendre en compte toutes les potentialités des élèves.Je cite toujours le cas de l’actrice Sandrine Bonnaire,ancienne élève de CPPN ou équivalent.Sans doute l’existence d’ateliers théâtre dans son collège aurait-elle été un moyen de mieux vivre sa scolarité,en lui offrant une possibilité de se valoriser.
S’agit-il de rechercher,pour les élèves, le bonheur pour le bonheur?
Les partisans de la réforme en cours avancent,statistiques à l’appui, l’argument selon lequel une scolarité mieux vécue,plus épanouie,avec des rythmes de travail moins oppressants (tout enseignant admettra que les élèves sont en général plus réceptifs le matin) entraîne une nette amélioration des résultats strictement scolaires...
Personnellement,je ne cache pas que cette réforme me paraît intéressante.
Et en effet elle vient de loin! En 1983-84,au collège Charcot de Fresnes,certains d’entre nous,nourris de la réflexion qui se déployait sur l’école en ces temps de rénovation des collèges (Rénovation qui ne fut pour l’essentiel qu’un faux semblant,et n’entama en rien le système),avions proposé l’organisation d’un après-midi éducatif tous les quinze jours,où les cours étaient remplacés par des ateliers animés par des professeurs en fonction de compétences particulières qu’ils avaient,mais aussi par des animateurs culturels de la ville de Fresnes avec laquelle nous avions établi un partenariat.Un choix assez vaste avait été offert aux élèves: atelierjournal ,théâtre, informatique, photo,sculpture,cinéma,dans moderne,secourisme,divers ateliers de sport etc… sans oublier le soutien en maths!Projet audacieux pour l’époque,mais reconnu par l’académie de Créteil qui l’avait présenté officiellement dans ses locaux!
Cela dura toute une année,puis fut abandonné parce que tous les enseignants n’étaient pas forcément à l’aise dans ce système,et surtout cela mordait par trop sur le programme!Mais j’ai vu bien des élèves en échec habituellement retrouver le sourire et un peu de confiance en eux parce qu’ils vivaient enfin quelque chose de positif dans leur établissement!
27 ans plus tard,un ministre propose d’appliquer cela à grande échelle!C’est lent l’évolution dans l’Education nationale!
Les objections vont sûrement fuser:comment “faire le programme” en moitié moins de temps?Ou bien on va l’alléger,et on accusera le ministre de l’appauvrir.Ou bien on va prolonger le temps scolaire,et réduire les vacances d’été à un mois,et je serais étonné que cela soit bien reçu dans les salles de profs.Certains soupçonneront le gouvernement de proposer cela pour réduire encore le nombre d’enseignants,ou encore pour leur imposer subrepticement 35 h de présence dans l’établissment…et on aura du monde dans la rue!
Enfin le fait que la proposition émane d’un gouvernement en bout de course et assez largement discrédité n’est pas un facteur favorable pour faire passer une telle réforme.
Le processus de l’expérimentation est assez habile cependant:il sera très intéressant de suivre de près ce que cela aura donné dans les établissements concernés.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire