La médecine, les médecins...Un certain Molière la ou les moquait il y a quatre siècles...Dépassée sa satire? Voire...Quand j'entends les témoignages sur le sujet de certains de mes amis, je me dis que l'oeuvre du grand Jean-Baptiste n'a pas tout à fait perdu son actualité!
Bon, ne soyons pas simplistes: la médecine a fait des progrès considérables depuis le XVIIe siècle; l' allongement de la durée de la vie en est une conséquence directe et une preuve...Nombreux sont certainement ceux qu'un médecin ou un chirurgien a merveilleusement remis sur pied...
Mais ne celons pas pour autant les insuffisances ou les problèmes, ne laissons pas la médecine ronronner sur ses lauriers, comme si tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes médicaux possibles.
Toute oeuvre humaine est perfectible: il est donc salutaire d'en souligner les imperfections , dans la perspective peut-être qu'il y soit remédié... Ou tout simplement pour que l'expérience des uns puisse permettre à bien d'autres d'éviter certains écueils, ou d'être victimes des mêmes erreurs humaines.
Diagnostics...
J'avais invité à dîner quelques amis récemment,et la conversation tourna à un certain moment à la critique de la médecine et des médecins. Chacun y alla de son anecdote édifiante. « Ma mère était en proie depuis plusieurs semaines à des vomissements répétés, de plus elle se sentait vraiment très mal, restait couchée toute la journée et tremblait de froid sous ses couvertures ... » raconte Jean. « Le médecin avait diagnostiqué au départ une crise de foie; rappelé deux fois,trois fois, il s'entêta dans ce diagnostic, modifiant simplement les médicaments. Il fallut que mon père, qui n'avait de formation médicale que son bon sens et quelques lectures, lui intime quasiment l'ordre de prescrire un scanner, soulignant qu'il n'était pas possible qu'il s'agisse de simples crises de foie. Résultat: on découvrit à ma mère une tumeur au rein grosse comme un pamplemousse; l'opération réussit et on aurait volontiers félicité pour le coup le chirurgien, s'il n'avait touché la rate, ce qui nécessita en plus son ablation, par crainte d'une hémorragie fatale » . « Le diagnostic des médecins n'est pas plus sûr que du temps de Molière!» renchérit mon ami Norbert. «moi qui suis diabétique, je me plaignais depuis quelque temps de douleurs et de sensations de brûlure dans les pieds, de raideurs et même d'impression de « doigts gourds »aux extrémités...Pendant des mois, mon médecin de famille ne sembla pas y accorder grande importance... »Vous faites peut-être un peu de goutte » suggéra-t-il même un jour...Comme finalement je manifestais une inquiétude qu'il ne pouvait plus balayer d'un revers de main, il m'envoya à un diabétologue, non sans me dire: « Ce que vous avez ne peut pas venir du diabète, quand les complications du diabète s'emparent des pieds, on ne sent rien; or vous avez mal!»; finalement, un diabétologue, un neurologue et un podologue plus tard, CELA VENAIT BIEN DU DIABETE: il s'agissait d'une neuropathie des pieds en bonne et due forme (le sucre s'installe dans les gaines des nerfs et les altère). Trois ou quatre ans avaient passé sans que le mal ait été détecté, et il avait pu faire tranquillement ses ravages. ».
»Il est d'ailleurs assez plaisant , ajouta Norbert, de voir ce qui se passe quand vous avez affaire à plusieurs membres d'une profession médicale en même temps: ils se contredisent! Ainsi mon podologue, qui voit souvent ces cas, m'assurait de façon péremptoire (et finalement c'est lui qui avait raison) que j'avais tous les signes d'une neuropathie, tandis que mon médecin ne l'envisageait même pas, et que les spécialistes tergiversaient. Une autre anecdote: ma diabétologue se fâcha parce qu'au bout de six mois de traitement mes douleurs des pieds étaient inchangées :le seul moyen d'enrayer la neuropathie était d'équilibrer le diabète, or j'avais toujours un chiffre trop fort à l'une des mesures de la glycémie ( la glycosurie) (7):c'était dû selon elle à un manque d'activité physique. Et mes marches quotidiennes dans le parc voisin? »Vous marchez, certes, mais ce n'est pas de la vraie marche! Il faut marcher vite! » (Jean-Baptiste, je pense à toi!). Allez, la prochaine fois, vous devez revenir avec 6,5.
Ma dermatologue, elle, qui semblait « branchée » en matière de diabète, m'affirma qu'avec les médicaments que je prenais il était quasiment impossible d'atteindre 6,5! Bien au contraire ,six mois après, je me retrouvais avec...7,4! A qui se fier? Inquiétant, non? « ajouta Norbert. » Et quand je la revis, ma diabétologue me demanda sur un ton inquisiteur à quoi j'attribuais ce résultat? Je bafouillai, me sentant coupable ,quelques explications :manque d'activité physique, prise de poids ... »Avec 7,4 vous n'êtes pas protégé, il faut absolument réagir, sinon la prochaine fois je vous proposerai des piqûres »...
Et ajouta-t-elle, oubliant ce qu'elle m'avait dit six mois auparavant: "avec 7 ça allait, mais là vraiment ».C'est ainsi que j'appris que 7 n'était plus le chiffre catastrophique responsable de tous mes maux! ».
« Oui , j'ai remarqué aussi que les médecins se contredisent non seulement entre eux, mais aussi eux-mêmes quand les consultations sont espacées , car ils ne ses souviennent plus de ce qu'ils nous ont dit! Mais nous, les premiers concernés, leurs paroles se gravent instantanément et durablement dans notre cerveau! C'est ainsi que nos éventons leurs défaillances! ».
Tout le monde souriait en hochant la tête au récit de ces anecdotes édifiantes , mais les sourires s'estompèrent quand Claude prit à son tour la parole, et la consternation, puis l'indignation s'emparèrent des esprits.
Le cas de JOSEPH...
« On m'a annoncé trois fois la mort de mon père (il se prénomme Joseph), et trois fois on s'est trompés! »commença-t-il. »Et ce ne furent pas les seules erreurs commises au cours du long calvaire qu'a connu l'être qui m'a donné la vie à partir de l'âge de 89 ans! ».
Un jour, dans sa 89e année, Joseph (mon père) présenta tous les signes d'un dérangement mental: propos incohérents, comportement aberrant...D'où un transfert d'urgence dans un hôpital de la ville du sud de la France qu'il habitait. Examens divers, scanner ne révélèrent aucune anomalie visible dans la zone du cerveau. Que lui arrivait-il ? « Mais c'est qu'il nous ferait bien une démence sénile ce monsieur » suggéra un médecin de service. Finalement, au bout d'un moment, on posa un diagnostic: confusion mentale. La cause? Mystère! Un chirurgien pensa que cela avait été provoqué par une boule qu'il avait dans le ventre (boule dont un spécialiste qui le suivait avait dit à mon père qu'elle n'avait pas de conséquence et qu'il ne fallait pas y toucher), et décida qu'il fallait prendre le risque de l'anesthésie et de l'opération , ce qui règlerait à coup sûr le problème. On opéra, et aucune amélioration sur le plan mental ne se produisit. Mon père, qui pesait 80kg à l'entrée à l'hopital, n'en faisait plus que 55 à sa sortie. Une métamorphose physique considérable à la clé! Par la suite, il fut horrifié en découvrant son nouvel aspect dans un miroir! Il ne mangeait pas, et les plateaux étaient simplement remportés pleins... Comme il ne pouvait plus longtemps occuper un lit à l'hôpital, il eut la « chance » (car les places étaient rares) de pouvoir être accueilli dans une structure de moyen séjour spécialisée en gérontologie: une équipe jeune et apparemment dévouée et sérieuse y déployait ses talents. Un peu plus tard, nouvel épisode à l'hôpital en raison d'une grave infection : faute de place, comme cela arrive souvent dans nos hôpitaux, il fut abandonné de longues heures sur un lit à roulettes dans un couloir, au mépris de toute dignité humaine. De Paris, je parviens après de multiples efforts à avoir au téléphone un médecin : mon père était sous antibiotiques, « mais vous savez, à son âge et dans son état, il ne supportera pas le traitement. Votre papa, il faut voir les choses en face, ne sera plus là d'ici un ou deux jours. » m'annonça-t-elle.1e annonce de mort prématurée! Car finalement, il guérit! Retour alors au moyen séjour...
Là ses troubles mentaux perduraient. J'eus un entretien avec la chef de service: l'état de mon père était-il irréversible? Pourrais-je un jour communiquer de nouveau avec lui, ce qui n'était plus le cas...Cette femme m'expliqua gravement que malheureusement mon père ne redeviendrait plus normal, qu'avec l'âge il se produisait une dégénérescence progressive du cerveau, et qu'on ne pouvait à la rigueur que ralentir le processus. Au bout de quelques mois, à ma grande joie, mon père recouvra ses esprits! Une erreur de plus. «Vous savez Monsieur, la médecine n'est pas une science exacte » me dit-elle alors pour excuse...Je m'en apercevais en effet! La gérontologie connaissait en tous cas de nombreuses zones d'ombre!
Il se produisit par la suite une nouvelle crise, plus courte, puis une nouvelle rémission, définitive cette fois: jusqu'à la fin mon père garda toute sa tête!
Quant aux causes de ce trouble plutôt spectaculaire, elles n'ont jamais été clairement établies. J'ai eu entre les mains le rapport rédigé par l'équipe du moyen séjour: j'y ai lu que la confusion mentale de mon père avait été déclenchée par l'anesthésie subie en vue de l'opération de sa « boule » dans le ventre, ce qui est totalement faux, car ses troubles préexistaient à son opération et sont la raison pour laquelle il est entré à l'hôpital et on l'a opéré! Erreur de bonne foi (alors ce serait un manque de rigueur dans l'analyse du cas) ou « bidonnage » destiné à masquer l'impuissance à diagnostiquer?
Que d'épisodes encore au moyen séjour! Une jeune médecin nous annonça péremptoirement et sans grands ménagements deux fois sa mort. Mon père ne mangeait ni ne buvait plus depuis quelque temps, ne pouvant plus déglutir, nous dit-on. Un jour ma mère va le voir et lui apporte quelques gâteaux secs et un jus de fruit. A sa grande surprise, il mange et il boit! Toute heureuse, elle le quitte quand elle rencontre ce médecin dans le couloir, qui lui annonce d'un ton sombre que mon père ne pouvant plus rien avaler mourrait inévitablement d'un jour à l'autre... « Mais je viens de le faire manger et boire! »s'exclame ma mère. « Mais non, Madame, répond l'autre incrédule, il faut être raisonnable, c'est fini! ».On ne peut certes dans un service être à chaque minute auprès d'un patient, et après tout il est normal qu'un homme de 89 ans meure! On n'avait pas essayé de le faire manger visiblement depuis un moment pour voir si son état était resté le même. Un an plus tard, la même médecin récidiva dans son pronostic sinistre, et cette fois encore elle se trompa! Je reste persuadé que ces jeunes médecins à qui on a inculqué l'idée qu'il ne fallait pas d'acharnement thérapeutique baissent les bras trop vite! Mon père reprit parfaitement le dessus. Il survécut 3 ans . Mais les séquelles physiques de ces expériences l' avaient profondément fragilisé et eurent finalement raison de lui ».
Quelle leçon?
On peut être infiniment troublé par de telles erreurs en cascade.
Ne mettent-elles pas en question tout de même la compétence de nos médecins, ou leur manque d'expérience, parfois leur légèreté, ou leurs préjugés? Il me semble qu'on se résigne trop vite par exemple à la mort d'une personne âgée...Le bon sens peut-être aussi étouffé sous des principes mal digérés.
Les médecins sont des êtres humains, or l'erreur est humaine...
Et pourtant le père de Claude a été sauvé d'un cancer à 75 ans par un excellent chirurgien qui était par ailleurs un ami à lui et qui a pris tout spécialement son cas à coeur. On lui dit qu'il avait eu de la chance d'être opéré par lui, qu'avec quelqu'un d'autre il ne s'en serait peut-être pas sorti...
Quelle leçon tirer de ces témoignages?: ne vous fiez pas les yeux fermés à ce que vous dit ou propose un médecin. Prenez par exemple plusieurs avis. Et il n'est pas inutile d'user de votre propre bon sens.. Car parfois les conséquences sont graves et irrémédiables...Et vous les familles, soyez présentes auprès du malade, à l'hôpital, et vigilantes. Les services sont surchargés, l'attention à chaque malade s'en ressent, avec parfois de graves conséquences.
Toutes ces anecdotes sont strictement authentiques.
une réaction par mail de Monique Villain:
RépondreSupprimerBonjour
Salutaires pour chacun et pour l'intérêt général, tes propos, en effet "le ou la malade" qui n'est plus appelé (e) patient ou patiente (le temps dans sa durée n'a plus d'existence, il est converti en argent, seul l'instant dans son inexistence est reconnu), donc "le malade" reste avant tout "une personne" avec une identité, une dignité à respecter.
Effectivement il n'y a plus que la famille pour la reconnaître en temps que personne, les choix mercantiles ont ôté aux personnels soignants la possibilité de reconnaître en ce porteur de maladie ou accidenté ou handicapé "la personne". Pas le temps, plus la formation pour les jeunes soignants adaptée à cette relation.
Tout doit être coupé en morceaux pour être traité, c'est valable pour tous les espaces de la société. L'Hôpital, une somme de lits, le malade une somme d'organes...Plus de liens, de relations, de rétroactions...
J'ai retrouvé dans tes propos, le mot indignation, oui d'abord s'indigner mais effectivement comme tu le dis, réagir en étant présent, acteur car celui ou celle qui est hospitalisé(e) n'a pas la capacité à le faire.
Il est certes évident que la plupart des soignants sont consciencieux (débordés aussi), compétents, doivent "rattapper lorsque c'est encore possible les erreurs.. mais les formations médicales, paramédicales, les médicaments, les soins hospitaliers sont soumis aux diktats financiers actuels.
Aussi si chaque citoyen doit s'impliquer dans sa propre santé et celle de ses proches, il est tout aussi important qu'il milite pour un débat public dans les choix barbares actuels faits dans le domaine de la santé.
Vivre plus longtemps est un argument pour rallonger l'âge de départ à la retraite, encore faut-il que ces années supplémentaires préservent une qualité de vie digne.. Contradictions, bases de raisonnement du capitalisme..
Amitiés
Monique