correspondant agoravox

mercredi 15 janvier 2014

CENTENAIRE du GRAND MEAULNES d'ALAIN-FOURNIER : une intéressante conférence à Paris du Pr Brunel.

 
    C'est en octobre 1913 que fut édité Le Grand Meaulnes d'Alain-Fournier , roman universellement connu , avant d'être proposé en librairie en novembre.
Et c'est 100 ans plus tard, le 27 novembre 2013, qu'était organisée Espace Bernanos, dans le 9e,  à l'initiative du Cercle amical du Berry (les Berrichons de Paris), une conférence du  Pr Brunel, directeur des cours de civilisation française à la Sorbonne (photo ci contre) , dans le cadre de la célébration de ce centenaire.

Le sujet proposé était exactement :" Le Grand Meaulnes et Marie-Claire : deux révélations romanesques d'avant 1914."

Déroulant un exposé de plus d'1h45, l'orateur s'est employé à mettre en évidence certaines convergences entre l'unique roman achevé d'Alain-Fournier, paru en 1913 , et celui de Marguerite Audoux , un peu antérieur (1910); à peu près contemporains, donc, tous deux ont connu un succès immédiat.

Alain-Fournier et Marguerite Audoux.

Nous avons d'abord appris qu'Henri-Alban Fournier (Alain-Fournier) , et l'auteur de Marie Claire , une ancienne bergère originaire de Bourges devenue couturière , se connaissaient. C'est en 1910 que le futur auteur du Grand Meaulnes fait la connaissance de la romancière  à laquelle il rend visite dans son deux pièces du 14e arrondissement à la suite de la parution de son roman ; s'ensuivront 3 pages de notes, sous la plume d'Alain-Fournier, dans la NRF sur cet ouvrage à la "simplicité élevée à la hauteur du sublime" selon lui.
Alain-Fournier connaissait donc bien et admirait Marie-Claire , roman très autobiographique qui reçut la même année le prix "Vie heureuse" (l'ancêtre du prix Femina) . Il sera moins heureux, lui, 3 ans plus tard, en manquant de peu le prix Goncourt.

Convergences.

Notre conférencier a mis d'abord en exergue deux convergences de détail entre les deux œuvres : la présence dès les premières lignes , dans les deux cas, de l'expression "chez nous": on la trouve dans la première phrase de Marie-Claire où elle désigne la maison familiale, qui va se défaire , du fait de la mort de la mère de l'héroïne , drame accru par l'abandon de l'enfant par son  père. Dans le Grand Meaulnes , le narrateur fait référence fait référence à la maison et l'école de Sainte-Agathe (en réalité Epineuil-le-Fleuriel ,dans le Bourbonnais), que la famille a quittés depuis longtemps au moment de la narration.

Le professeur Brunel note aussi la récurrence dans les deux romans de l'adjectif "mystérieux" (ou de son presque synonyme "étrange") .Pour l'héroïne de Marguerite Audoux ,"tout est mystérieux : l'orphelinat où elle est recueillie, la ferme où on l'enverra travailler par la suite, et ses différentes activités", fait remarquer l'orateur. Inutile d'insister sur l'omniprésence de ce théme dans le GM , notamment dans les chapitres consacrés à ce "domaine mystérieux" , qu'anime une "fête étrange", où Meaulnes va parvenir par hasard...
Peut-être la lecture du roman de Marguerite Audoux  (photo ci-contre)a-t-elle influencé sur ces deux points Alain-Fournier.

Un amour qui se dérobe sans cesse.

Mais la principale convergence thématique entre les deux œuvres, selon notre orateur, est autre :dans les deux cas, il n'est question, au fond, que d'un "amour qui se dérobe sans cesse". La jeune orpheline de Marguerite Audoux est dans une quête perpétuelle d'amour; cette quête se fixera sur la figure de Sœur Marie-Aimée , à l'orphelinat ; puis sur Eugène, le frère du fermier Sylvain, qui l'aime bien; enfin sur Henri ,le frère de Mme Alphonse , la nouvelle propriétaire de la ferme. Or elle sera obligée de quitter l'orphelinat et donc de se séparer de Sœur Marie-Aimée, Eugène partira avec une servante, et elle apprendra qu'Henri dont on l'a séparée est marié.

Nul doute qu'Alain-Fournier  (photo ci dessous à l'époque de la parution du GM) ait été profondément touché par cet aspect du roman de Marguerite Audoux , car il avait fait lui-même dans les années précédentes la douloureuse expérience de l'impossibilité d'atteindre l' être aimé ...


En effet, le 1er juin 1905, il fait la rencontre , à la sortie du Grand Palais à Paris, d'Yvonne de Quiévrecourt : c'est le coup de foudre... Ils font quelques pas ensemble jusqu'à un embarcadère sur la Seine...Ses vains efforts pour la retrouver ensuite, pour la conquérir sont une expérience douloureuse qui sera transposée dans Le Grand Meaulnes. Il ne revoit qu'une fois en juin 1905 le modèle de la future Yvonne de Galais du roman , et c'est pour l'entendre demander qu'ils se séparent; il apprendra en 1907 qu'elle a épousé un officier de marine , et en 1909 qu'elle a quitté Paris...Il la reverra cependant à Rochefort plusieurs fois en 1913 : ils auront de longues conversations et se quitteront bons amis...
Il n'est pas étonnant qu'Alain-Fournier ait envoyé Marie-Claire à Yvonne de Quiévrecourt , étant données les résonances que l'œuvre comporte par rapport à leur propre expérience...

Une transposition de la vaine quête amoureuse de l'auteur.

Le Grand Meaulnes étant une transposition de cette histoire personnelle d'Alain-Fournier, il est donc bien lui aussi dominé par ce thème de "l'amour qui se dérobe". La recherche incessante ,longtemps décevante, par Meaulnes de la jeune fille rencontrée dans le "domaine mystérieux" , semblera finalement aboutir notamment grâce à l'intercession du personnage de François Seurel , son ami ; mais au moment où il peut être enfin heureux , l'appel à l'aide de Frantz de Galais , le  fiancé de Valentine , une couturière de Bourges que Meaulnes a séduite et abandonnée sans savoir son lien avec Frantz, va  l'entraîner loin d'Yvonne .Quand le jeune homme reviendra au domaine, il apprendra qu'Yvonne est morte en mettant au monde une petite fille , événement qui scelle l'impossibilité de leur bonheur.

Cette conférence aura appris quelques détails intéressants aux amoureux de l'œuvre d'Alain-Fournier et leur aura donné envie de lire celle de Marguerite Audoux : une bonne surprise d'ailleurs que ce roman d'un style limpide, aux chapitre très brefs, et aux notations pleines de justesse...

(ci contre :Yvonne de Quiévrecourt)

JM Sattonnay.

A propos du Grand Meaulnes , voir  aussi nos articles :

- Retour au pays du Grand Meaulnes à Epineuil-le-Fleuriel :  bonheur et tristesse.
 http://jmsattoblogazettedesulis.blogspot.com/2012/08/retour-au-pays-du-grand-meaulnesa.html

- Gatsby le Magnifique serait-il un plagiat du Grand Meaulnes?
http://jmsattoblogazettedesulis.blogspot.com/2013/07/gatsby-le-magnifique-serait-il-un.html
                                          
                                          - Centenaire de la mort d'Alain-Fournier: à la recherche de l'auteur du Grand Meaulnes. http://jmsattoblogazettedesulis.blogspot.com/2015/01/centenaire-de-la-mort-dalain-fournier.html

- Cercle amical du Berry:
renseignements: M. Th. Drouillot, 01 42 88 44 56 ou mtdrouillot@wanadoo.fr


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